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qu’il existe dans la nature un être qui peut la secourir et la venger… elle me fixe avec étonnement ; bientôt les larmes de reconnaissance arrosent les mains de son bienfaiteur… elle prend ses enfans, elle les baise… elle me les donne… elle a l’air de m’engager à leur sauver la vie comme à elle. Je jouissais délicieusement de cette scène, lorsque j’aperçois le mari revenir à moi avec un de ses camarades ; je me lève, décidé à les recevoir tous deux comme ils le méritent… Ma contenance les effraie : j’emmène la femme, j’emporte les enfans, j’établis chez moi cette malheureuse famille, et défends au mari d’y paraître. Je fis demander le soir cette femme au Roi, comme si j’avais eu le dessein de la destiner à mes plaisirs : le Monarque qui m’avait déjà beaucoup reproché le célibat dans lequel je vivais, me l’accorda sans difficulté, et fit défendre à l’époux d’approcher de ma maison. Je lui proposai d’être mon esclave : on ne peut peindre la joie qu’elle eut de l’accepter ; je la chargeai