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spongieuse, qu’il s’agissait d’entr’ouvrir. Indépendamment de ce travail pénible, où succombait cette infortunée, elle avait deux enfans attachés devant elle, que nourrissait chacun de ses seins ; elle pliait sous le joug ; des sanglots et des cris s’entendaient malgré elle ; sa sueur et ses larmes coulaient à la fois sur le front de ses deux enfans… Un faux pas la fait chanceler… elle tombe… Je la crus morte… son barbare époux saute sur elle, armé d’un fouet, et l’accable de coups pour la faire relever… Je n’écoute plus que la nature et mon cœur, je m’élance sur ce scélérat… je le renverse dans le sillon… je brise les liens qui attachent sa mourante compagne au timon de la charrue… je la relève… la presse sur ma poitrine, et l’assis sous un arbre à côté de moi… elle était évanouie, elle serait morte sans ce secours… Je tenais sur mes genoux ses enfans froissés de la chûte… Cette malheureuse ouvre enfin les yeux… elle me regarde… elle ne peut concevoir