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je ne me marierais jamais, qu’il obtint un ordre de me faire joindre mon corps, et de ne le quitter de deux ans.

Avant de vous obéir, monsieur, dis-je alors, en me jettant aux genoux de ce père irrité, souffrez que je vous demande au moins la cruelle raison qui vous force à ne vouloir point m’accorder celle qui peut seule faire le bonheur de ma vie ? Il n’y en a point, me répondit mon père, pour ne pas vous donner Léonore ; mais il en existe de puissantes pour vous contraindre à en épouser une autre. L’alliance de Mademoiselle de Vitri, ajouta-t-il, est ménagée par moi depuis dix ans ; elle réunit des biens considérables, elle termine un procès qui dure depuis des siècles, et dont la perte nous ruinerait infailliblement. — Croyez-moi, mon fils, de telles considérations valent mieux que tous les sophismes de l’amour : on a toujours besoin de vivre, et l’on n’aime jamais qu’un instant. — Et les parens de Léonore, mon père, dis-je en évitant de répondre