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sur la terre, tout n’en irait pas moins comme il va ; nous jouissons de ce que nous trouvons ; mais rien n’est créé pour nous ; misérables créatures que nous sommes, sujets aux mêmes accidens que les autres animaux, naissant comme eux, mourant comme eux, ne pouvant vivre, nous conserver et nous multiplier que comme eux, nous nous avisons d’avoir de l’orgueil, nous nous avisons de croire que c’est en faveur de notre précieuse espèce, que le soleil luit, et que les plantes croissent. Ô déplorable aveuglement, convainquons-nous donc que la nature se passerait aussi bien de nous, que de la classe des fourmis ou de celle des mouches, et que d’après cela, nous ne sommes nullement obligés à la servir dans la multiplication d’une espèce qui lui est indifférente, et dont l’extinction totale n’altérerait aucune de ses loix. On peut donc perdre ou détruire, sans l’offenser en quoi que ce soit. Que dis-je ? nous la servons, en n’augmentant pas une sorte de créature, dont la ruine