Page:Sade - Aline et Valcour, ou Le roman philosophique, tome 2, 1795.djvu/147

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui nous enchantent, de fixer ces yeux, qui nous suivent, d’adresser à cette image adorée, les mêmes mots que si nous serrions dans nos bras l’objet touchant qu’elle nous peint ; de la mouiller quelquefois de nos larmes, de l’échauffer de nos soupirs, de l’animer sous nos baisers… Art sublime et délicieux, c’est l’amour seul qui te fit naître ; le premier pinceau ne fut conduit que par ta main. Je pris donc ce gage intéressant de l’amour de ma Léonore, et l’invoquant à genoux : « ô toi que j’idolâtre ! m’écriai-je, reçois-le serment sincère, qu’au milieu des horreurs où je me trouve, mon cœur restera toujours pur ; ne crains pas que le temple où tu règnes, soit jamais souillé par des crimes. Femme adorée, console-moi dans mes tourmens ; fortifie-moi dans mes revers ; ah ! si jamais l’erreur approchait de mon ame, un seul des baisers que je cueilles sur tes lèvres de roses, saurait bientôt l’en éloigner ».

Il était tard, je m’endormis, et je ne