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ce métier infâme, qu’il me fallait faire, ou mourir, non qu’il portât la moindre atteinte à mes sentimens pour Léonore…, je le faisais avec tant de dégoût… je ressentais une telle horreur, qu’assûrément ce que je devais à cette charmante fille, ne pouvait s’y trouver compromis. Mais n’importe, je l’exerçais, et ce funeste devoir versait une telle amertume sur ma situation, que je serais parti, dès l’instant, si, comme je vous l’ai dit, l’espoir que Léonore tomberait peut-être sur cette côte, où je pouvais la supposer, et qu’alors elle n’arriverait qu’à moi, si, dis-je, cet espoir n’avait adouci mes malheurs. Je n’avais point perdu son portrait ; les précautions que j’avais prises de le placer dans mon portefeuille, avec mes lettres de change, l’avait entièrement garanti. On n’imagine pas ce qu’est un portrait, pour une ame sensible ; il faut aimer, pour comprendre ce qu’il adoucit, ce qu’il fait naître. Le charme de contempler à son aise, les traits divins