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peront ; cette idée nous fait tout souffrir ; & la liberté qui nous tend les bras, cette liberté précieuse dont nous jouissons toujours en attendant, soutiendra notre courage, et le rendra capable de tout. N’essayez donc pas, Sire, de vous opposer à ses effets, ni de dégrader cette Nation aux yeux de l’Europe, en faiſant passer son vœu unanime pour des révoltes & des factions… Vingt-cinq millions d’hommes ne sont point des factieux : le mot de faction entraîne après lui l’idée de deux partis… il n’y en a qu’un en France, il n’y a qu’une seule et même volonté. Des bouches du Rhône aux rives de l’Escaut, des bords de l’Océan aux Alpes, le mot liberté est le cri National ; le désir d’en jouir, et d’en jouir éternellement est unanime ; ce vœu sacré est l’ouvrage de la raison, il est celui de la sagesse, et du désespoir où la mauvaise administration du règne précédent et du vôtre avoit réduit l’Empire entier. Les abus ne peuvent subsister quand la raison s’épure ; œuvres des ténèbres, comme les actions du Prince des Enfers, ce n’est que dans l’épaisse nuit du préjugé, du fanatisme & de l’esclavage qu’ils peuvent s’opérer ; le flambeau de la philosophie étincelle-t-il, ils s’éclipsent, et disparaissent sous ses feux bienfaisans comme les nuages opaques d’une nuit d’automne aux premiers rayons du ſoleil. Ce n’est plus le tems, Sire, ni de nous effrayer, ni de nous enfermer, mais c’est toujours celui de vous faire adorer, et vous le pouvez encore : ce retour de votre autorité après lequel votre ame soupire avec tant d’ardeur, ne peut être maintenant l’ouvrage que de votre conduite ; il y a longtemps que vous l’eussiez ramené, si vous eussiez voulu n’écouter que votre cœur ; & ce peuple qui, disiez-vous, dégradoit votre Couronne l’eût insen-