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avec des expressions d’amour et de sensibilité dont le spectacle arrachoit des larmes à la France entière réunie dans un même champ.

Vous y avez manqué à ce serment. Sire ; vous l’avez enfreint de la manière la plus fausse et la plus perfide. Vous, le plus fort, vous qui nous commandiez, qui nous gouverniez par cet attrait invincible de l’amour et de l’union générale, vous avez employé les ruses odieuses de la foiblesse, et l’ame d’un Chevalier Français où nous ne devions trouver que des vertus, ne nous a plus offert que les vices de l’esclavage & de la servitude.

Ah ! Sire, que vous avez mal saisi vos véritables intérêts, que vous avez mal connu le peuple qui vous élévoit au-dessus de lui : séduit par vos démarches et par vos discours, ce peuple furieux avec raison contre l’abus du Gouvernement de vos anciens Ministres, commençoit à revenir sur votre compte ; il séparoit les torts de vos flatteurs des vertus qu’il aimoit à reconnoître en vous, et il disoit : le bien est l’ouvrage de son cœur, le mal est celui de ses Ministres. Heureuses et douces dispositions qui avec un peu de patience et de bonne conduite, vous eussent rendu bien plus que vous n’aviez perdu, car, Sire, vous n’aviez que des respects à Versailles, vous auriez gagné des cœurs à Paris.

Vous vous plaignez de votre situation, vous gémissez, dites-vous, dans des fers… Eh ! quel Souverain dont l’ame sera pure et honnête, quel Souverain assez éclairé pour préférer le bonheur de ses peuples à la vaine gloire du despotisme, ne consentira pas à sacrifier quelques mois de ses plaiſirs physiques à des plaisirs moraux comme ceux que vous préparoit la consommation de l’ouvrage des Repréſentans de la Nation !