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CORRESPONDANCE INÉDITE DU


pour me le dire. Soyez sûr que je ne vous compromettrai jamais. Ce qui me fait craindre est qu’elle me manda l’être à son arrivée, en novembre ou décembre. Je ne lui ai jamais rien répondu à cet article. Si elle l’est, il doit y paraître. Ce serait un grand malheur pour elle et un objet de plus d’inquiétude pour moi.


M. de Sade souffle à l’avocat ce qu’il voudrait lui faire dire à la Présidente. (Sans date).

Je voudrais que vous écriviez à madame de Montreuil la phrase suivante :

« Il me semble pourtant, madame, qu’en approfondissant les raisons qui engagent M. et madame de Sade à vous presser, vous y trouveriez plutôt des motifs de joie et consolation que des raisons d’humeur et d’ennui. Leur honneur, celui de leurs enfants, me paraît être le seul véhicule ; il est même impossible qu’il y en ait d’autre. N’est-ce donc pas une véritable satisfaction pour vous, madame, que de voir vos enfants concourir, désirer [?] avec chaleur tout ce qu’inspire un sentiment si noble ; et ce qu’il peut y avoir d’un peu trop pressant dans leurs démarches, vu de ce côté, me paraît mériter plus d’indulgence que de courroux, à d’autant plus juste titre, ce me semble, que, quand ils ne vous auront plus que des obligations, leur cœur, que je sais vous être tout dévoué, désavouera bientôt les mouvements déplacés de leur légitime vivacité.


Madame de Montreuil fait remettre secrètement à sa fille un billet relatif à Nanon.

Je vous prie, monsieur, de vouloir bien, peu après le reçu de la présente, vous rendre au château sous quelque prétexte, si vous en avez besoin, et remettre à la dame ce billet en particulier. Ne le confiez à personne qu’à vous-même. Faites en sorte de lui remettre tête à tête, afin qu’elle l’ouvre devant vous pour pouvoir vous en faire la réponse. Il est de la plus grande conséquence, pour elle surtout, que personne, ni M. de Sade, n’en ait connaissance, quand même elle serait d’accord avec lui sur l’objet qu’il contient. Que sait-on ? Un moment de faiblesse et de changement dans les idées pourrait le porter au repentir ou à l’indiscrétion. Elle en serait la victime. Une créature capable de tout cela est méchante et qui sait à quel degré ! Et on ne doit pas compter sur la tête du maître. Pour sa sûreté même faites-lui brûler le billet devant vous pour qu’on ne puisse le lui surprendre tôt ou tard. Il s’agit de N.n… Je me fie à vous. Sentez bien l’importance de la commission et du fait. Ce 14 juin.

Tâchez que ce soit à la promenade hors du château parce que vous pourriez croire être tête à tête qu’il soit caché derrière quelque coin, rideau ou cache, et voir et entendre. Je l’ai vu jadis coutumier du fait. Plus encore à présent qu’il se méfie de tout. Dites-moi au vrai comment est sa santé à elle à présent.