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CORRESPONDANCE INÉDITE DU


convenir de rien qu’elle crût pouvoir lui nuire. Serait-ce lui nuire, hélas ! que de se mettre en sûreté elle-même. Ce serait au contraire parer à des malheurs pour elle qui tourneraient contre lui et qui n’arriveront pas quand il n’y aura pas matière.

Dans son ch… avec elle, il se croit trop fort, trop en sûreté, et se permet tout. Ailleurs il se contient davantage. Et même là, si elle n’y était pas, il manquerait de moyens pour satisfaire à ses égarements et, par conséquent, n’en aurait pas d’espèce dangereuse. Qu’il s’amusât avec des crimes au dedans ou au dehors, ce serait une occupation qui n’aurait d’autre inconvénient qu’un peu plus de dépense en apparence, mais qui, au fait, ne coûterait pas plus que ce qu’on a fait d’autre part jusqu’ici. Ne pourriez-vous pas conférer avec Saumane sur les moyens de pouvoir procurer quelque sûreté, quelque adoucissement enfin à cette pauvre prisonnière, car on dit que tout est bien fermé et qu’il ne lui est pas permis de sortir. On le craint trop et cette opinion qu’il a semée fait sa force et son malheur. J’attends votre réponse sur tout avec impatience. Vous n’avez rien à craindre. Envoyez par telle poste ce que vous voudrez, si vous craignez la vôtre. Vous n’avez besoin de rien signer et soyez sûr que dès que j’aurai lu votre réponse elle sera anéantie. Faites-en autant de celle-ci, crainte d’aucune surprise.


Le marquis pense au solide et met dans la bouche d’autrui les paroles qu’il n’ose pas dire lui-même. (Sans date).

M. Perrottet, monsieur, m’annonce que vous avez eu une foire brillante[1]. Je vous en félicite. Pour nous, pauvres malheureux, loin des grandeurs des villes, nous n’en avons pas seulement eu un misérable chou, et la pauvre Gothon, qui dit qu’Apt regorge d’excellentes choses dont vous ne voulez nous faire participer en rien, s’apprête à vous aller livrer un assaut en règle si vous n’avez un peu pitié d’elle demain en lui envoyant cardes, choux-fleurs, asperges, fèves, petits pois, carottes, panais, artichauds, truffes, pommes de terre, épinards, raves, radis, de la chicorée, de la laitue, du céleris, du cerfeuil, du cresson, des betteraves et autres légumes……

On dit qu’on vend chez Sablières. S’il s’y trouvait un clavecin, grand ou petit, vous m’obligeriez infiniment de me le retenir ; je le prendrai sur le champ. S’il s’y trouvait aussi quelques livres, mandez-moi, je vous prie, à peu près ce qu’on peut se procurer là……

Je ne sais si je vous ai dit que nous avions reçu une lettre du prévôt de Marseille qui presse pour envoyer l’état des dettes et qui fait entendre qu’on n’attend plus que cela pour faire passer des fonds, et que ce sera lui qui acquittera. C’est de là où j’ai pris mon texte pour ma dernière lettre à Fage[2]. Je cite la lettre ; c’est l’abbé de Sade que je fais parler, et il

  1. Vraisemblablement la foire de Quasimodo.
  2. Prédécesseur de Gaufridy et créancier du marquis, dont les comptes doivent être joints à l’état des dettes demandé par la présidente.