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CORRESPONDANCE INÉDITE DU


d’en jouer le rôle est un des plus grands supplices de ma situation. Adieu, mon cher monsieur ; n’ayant plus le canal de madame, il est vraisemblable que je ne pourrai plus vous donner des nouvelles de ma situation, au moins jusqu’à son retour. De grâce, ayez bien soin de tout. Conservez-moi un peu d’amitié et croyez-moi pour la vie votre très humble et très obéissant serviteur.

Sade.

Madame de Sade fait part à l’avocat de ses premières démarches à Paris et des difficultés qu’elle aura à vaincre. « Ce 29 juillet 1774 ».

Me voici enfin à Paris, monsieur, mais monsieur l’abbé de Sade s’est moqué de moi assurément en m’adressant à monsieur l’abbé Amblet qui est à la campagne pour sa santé…… Je présume que le procureur du roi pourrait bien être médiateur dans cette affaire, quoiqu’il ait le soin de dire à tout le monde que je suis une folle. J’ai été saluée de ce compliment et le serai encore à ce que l’on m’assure. Du reste Chapote[1] est un jeune homme doux, honnête, de l’esprit tout plein. Je ne peux mieux le comparer qu’à vous. L’endroit de la plainte qui regarde ma sœur, ils ne l’entendaient pas, il a fallu qu’il [le] leur explique. Il en a été d’autant plus étonné que ces messieurs ont beaucoup d’esprit. Pour lui il a vu tout de suite de quoi il s’agissait et les raisons de voiler cet article. L’on m’a assuré que ma mère aimait M. de Sade à la folie et qu’elle était beaucoup plus fâchée contre moi que contre lui. J’ai répondu : « Tant mieux ! » De plus il est décidé que le Beaumont et la famille ne veulent le mariage qu’à condition qu’il sera enfermé pour toujours et veulent la parole du ministre. Ce trait est indigne et [je] l’approfondirai à la source. Je loge à l’hôtel de Bourgogne, rue Taranne, faubourg Saint-Germain. Adressez-moi toujours vos lettres dessous l’enveloppe de Carlier, tailleur, rue Saint-Nicaise, à Paris. Cet homme est sûr et les hôtels garnis ne le sont pas, répondant tous à la police[2]… Monsieur le duc d’Orléans ne va plus à la Cour parce qu’il n’a pas voulu reconnaître le nouveau parlement[3] ; du reste notre bon roi est à Marly et de là va à Compiègne. Voilà tout ce qu’il est possible de mander.


La marquise espère arriver à ses fins. (Sans date).

Autant que je puis voir, monsieur, avec mes faibles lumières, je compte que mes affaires pourront prendre une bonne tournure. Il faut voir si toutes les politesses et marques d’intérêt que je reçois des magistrats continueront.

  1. Son procureur.
  2. Le texte porte : « Répondent toute à la police ».
  3. Exilé à Villers-Cotteret avec son fils, le duc de Chartres, pour avoir refusé de paraître à la cérémonie du « catafalque » (27 Juillet) afin de ne pas avoir à saluer les juges de Maupéou.