Page:Sade, Bourdin - Correspondance inédite du marquis de Sade, 1929.djvu/69

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


1774


Le marquis est à la Coste ou vient d’en partir, mais il se cache plutôt qu’il n’a fui. Dans la nuit du six janvier, un exempt suivi de quatre archers et d’une troupe de cavaliers de la maréchaussée envahit le château. Cette escousse policière ne donne point de résultat.

Madame de Sade accuse sa mère d’avoir inspiré l’expédition. Elle fait établir par Gaufridy un mémoire contre la présidente et y expose à sa façon les faits qui se sont passés depuis la fuite et la condamnation du Marquis après l’affaire de Marseille. Ce mémoire est envoyé à Chapote, procureur au Châtelet, en vue d’une procédure qui ne semble pas avoir eu de solution. Parallèlement à cette instance, la marquise et sa mère poursuivent ensemble la « grande affaire », c’est-à-dire la cassation de l’arrêt d’Aix qui a condamné M. de Sade à mort par contumace et l’a frappé de mort civile.

Le marquis revient à la Coste après le départ des cavaliers. Il y est à la fin de février, mais n’y reste que quelques semaines.

L’argent fait défaut. Le feu comte a laissé beaucoup de dettes et ses terres sont lourdement grevées. Le marquis est, comme son père, un bourreau d’argent, et sa femme ne compte pas lorsqu’il est question de lui venir en aide ou de lui complaire. Madame de Sade, « administreresse » des biens de son mari, plaide à Avignon et à Aix. Menacée de poursuites par ses créanciers, notamment par le juif Beaucaire, elle attribue leur acharnement à des lettres venues de Paris. Son esprit est plein de soupçons et ne voit partout que complots. Mais il y a chez elle un grand fonds de causticité et de bonne humeur qui s’exerce surtout contre les Provençaux, qu’elle n’aime pas, et singulièrement contre les Costains qu’elle déteste. Elle se moque de la pusillanimité de Gaufridy qui fait tout par compas et par mesure. L’avocat a les travers des gens de son pays, dont une moitié passe son temps à s’émouvoir des contes que lui forge l’autre.