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MARQUIS DE SADE — AN VIII.
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payer, qu’on ne peut pas les poursuivre et que, l’essayât-on, cela ne ferait que donner l’éveil aux créanciers. Le marquis n’a nul besoin qu’on vienne lui parler de roubines et de poussaraques. Ce sont de grossières défaites et tout cela fait lever les épaules de pitié. Au lieu de refuser la traite au neuf thermidor que le fermier Campan lui a offerte, en aurait-il coûté-beaucoup à Gaufridy de la faire escompter à son parent Archias qui doit bien cela au marquis après ce qu’il a gagné sur lui ? Il faut trois mille cinq cents francs, sans nul délai, à M. de Sade. L’avocat veut-il, oui ou non, les lui envoyer ? Ou, pour mieux dire, qu’il choisisse entre les deux partis suivants : d’une part, avoir de l’argent, sauver Arles des créanciers, au besoin se porter créancier lui-même, tout saisir ou dire que tout est saisi par madame de Sade dont la créance prime toutes les autres ; de l’autre, accepter, une fois pour toutes, de prendre la ferme générale des biens pour une rente annuelle de cinq mille livres. C’est une préférence qu’on lui réserve encore. Veut-il agir ou bien signer ?

Choix inutile. L’avocat a avalé bien des injures, mais il n’a pas encore été traité de voleur. Il en a assez ; il n’en veut plus ; surtout il n’en peut plus. Il donne à son refus l’allure d’une démission et le marquis s’en étonne. Il n’a jamais été question de se séparer. S’il a songé à se défaire de l’administration de ses biens, il était dans son intention que quiconque en prendrait l’afferme restât en relation avec l’avocat et même sous ses ordres. M. de Sade veut donc qu’on s’embrasse et qu’on ne garde « aucun levain dans l’âme. »

Mais Gaufridy ne revient pas sur ce qu’il a dit. Sade envoie alors de Paris un procureur fondé, qui part pour la Provence avec la citoyenne Quesnet. Ce nouveau procureur s’appelle Laloubie. Mais ce n’est point son nom ou ce n’est pas le seul. Le citoyen Laloubie n’est autre que Cazade. Il vient à Apt et s’y fait remettre par Gaufridy des papiers dont il lui donne décharge ; il parcourt les terres, visite les fermiers, arrête leurs comptes et, finalement, envoie à l’avocat une longue épître où, sans se départir de sa politesse, il ne lui fait grâce d’aucun grief sur sa longue administration. « On ne peut, lui dit-il, voir pis que cela après trente ans de régie ». L’avocat retrouve son énergie pour lui répondre. Il le fait par un gros mémoire dont le brouillon couvert de ratures témoigne de l’effort qu’il a accompli pour l’écrire et de la difficulté de la tâche. Quesnet s’étonne de son côté que Gaufridy ait cherché à se venger en empêchant madame de Tournon d’adhérer à un arran-