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MARQUIS DE SADE — AN VII.
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Le marquis appelle la vengeance du ciel sur le dévot avocat. (15 thermidor).

……Envoyez-moi de quoi vivre, ou vous aurez de grands malheurs à vous reprocher. Ils retomberont sur vous ; l’Être Suprême est juste, il vous rendra aussi malheureux que vous me rendez ; je l’espère, et je le demande à Dieu tous les jours. Votre fils François est un fourbe ; il s’amuse de mon malheur ; il a l’audace de m’écrire que M. Fabri va tout terminer sous peu de jours et le lendemain M. Fabri m’écrit à moi tout le contraire. Je sais bien que des coquins, des scélérats vont vous soustraire ma lettre. Oh ! comme je voue au mépris et à l’exécration, à la vengeance publique, des gueux capables d’étouffer mes plaintes et de les empêcher d’arriver à vous !…… Vous me réduisez aux derniers excès du malheur et vous êtes tranquille. Que le ciel, juste en sa vengeance, vous fasse souffrir ce que je souffre… et il le fera… je l’apprendrai, et je dirai : « Je suis vengé ! » Votre Fabri ne fait rien ; c’est un lambineur comme vous. Vous êtes un bourreau.


La citoyenne Quesnet supplie l’avocat de pardonner à M. de Sade la lettre qu’il lui a écrite. (17 thermidor, an VII).

Je suis au désespoir, mon aimable citoyen, d’apprendre que vous ne voulez plus vous mêler des affaires de M. de Sade. J’ignore ce qu’il vous a écrit, mais il faut pardonner au malheur. Je connais votre âme sensible ; rappelez-vous de vos promesses que vous continueriez à faire ses affaires rapport à moi. Croyez-vous que je n’aie pas à souffrir aussi ? Eh bien ! ma conscience me reprocherait d’abandonner quelqu’un dans le malheur ! Je vous assure que je l’ai bien grondé ; il m’a promis que ce serait moi qui tiendrais la correspondance dorénavant. J’espère tout de votre bon cœur. Vous ne voudrez pas me désobliger à ce point-là. Pardonnez un homme qui est au désespoir et qui a épuisé toutes les ressources pour se soutenir depuis deux ans. Il me dit qu’effectivement il vous a écrit une lettre un peu forte, mais qu’il en avait été fâché après, mais qu’il croyait que M. François ne vous l’aurait pas donnée, lui ayant promis de prendre lecture de ses lettres et de supprimer celles qui pourraient vous fâcher. C’est ce qui l’a empêché de réfléchir avant d’écrire cette fatale lettre. Il a obéi à sa tête et non pas à son cœur. Vous savez qu’il a en vous une entière confiance. Où voulez-vous qu’il trouve comme vous un ami de quarante ans ? Cela est impossible ; vous le mettrez au désespoir si vous cessez d’être son ami. Alors je vous conjure, à mon particulier, mon cher citoyen, de ne point abandonner ce pauvre M. de Sade ; il est trop malheureux pour cela…… Vous faites votre possible pour me prouver que vous avez de l’amitié pour moi, mais la meilleure preuve que je vous demande est de continuer à faire les affaires de M. de Sade. Je vous aime de tout mon cœur.