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CORRESPONDANCE INÉDITE DU


y aller, ma famille s’y oppose, et je n’irai pas. » ……Voilà donc le fruit de ses promesses, quand je lui fis mes adieux en larmes, le suppliant de ne me jamais abandonner, et vous, qui pleuriez aussi, vous, bon jeune homme, vous me trompiez donc également en m’assurant de ne me jamais abandonner ?

Ne redoutez rien de la lettre que j’adresse par ce même courrier à votre père. Elle ne contient que des raisonnements justes, de la sensibilité et aucun reproche. Ne la soustrayez pas, je vous en conjure…… Rien n’est plaisant comme la lettre de votre père. Il me bat en me déchirant l’âme ; il ressemble à ces maris qui rossent leurs femmes quand ils ont tort. Il y a des gens qui vous plaignent et qui vous consolent en refusant de vous rendre service, mai lui me trouve des torts ; il me chante pouille en me désobligeant, en m’écrasant, en me réduisant à l’aumône. Cette manière est tout à fait nouvelle et je m’en souviendrai…… Vous avez voulu ôter à madame Quesnet le plaisir de vous être utile. Votre père a fait plus ; à peine a-t-il eu l’air de se souvenir d’elle dans ses lettres, et de ce moment j’ai vu l’orage se former, de ce moment je lui ai dit : « MM. Gau… nous abandonnent et nous verrons pis bientôt ! » Convenez-vous que j’aie été bon prophète ? Et pourquoi donc tous ces détours ? N’était-il pas plus franc et plus loyal de me prévenir sur les lieux mêmes et quand j’y pouvais mettre ordre, que de me le dire à présent, où il faut que je refasse un second voyage pour réparer l’affreux tort que me fait la poltronnerie ridicule et l’impardonnable nonchalance de votre père ?……


Le marquis, trahi par l’avocat, espère en la constance de Quesnet. (12 prairial, an VI).

……Vous vous attendez à de grands reproches de ma part, citoyen. Vous vous trompez, je ne vous en ferai nul. La chose du monde la plus simple est de se préférer aux autres. Nous ne vivons plus dans ces siècles heureux où l’amitié, ne connaissant aucun danger, se faisait des triomphes de ceux qui paraissaient exister dans les services qu’elle rendait. Les progrès de l’égoïsme ont éteint ces systèmes de chevalerie ; on en a reconnu l’absurdité et chacun vit pour soi. C’est bien fait ; il y a mieux, je dis que c’est très naturel. Dieu préserve seulement la seule amie qui me reste au monde de penser comme cela ! C’est la seule grâce que je demande au ciel et je sens tous les jours qu’elle m’est accordée. C’est mon unique consolation……


Le marquis tente de mettre le ciel dans ses intérêts par le canal de la citoyenne Charlotte Archias. (16 prairial).

C’est par la parfaite connaissance, mademoiselle, que j’ai de votre piété et de votre humanité, que je prends la liberté de m’adresser à vous pour me plaindre avec amitié et sensibilité du procédé actuel de M. Gaufridy envers moi en refusant d’aller à Arles pour passer mon nouveau bail