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CORRESPONDANCE INÉDITE DU


vous ?… » Hein ? Laisserez-vous sans jupe et sans souper encore longtemps une créature si douce, si bonne et qui vous aime tant ? Mille choses à tout ce qui vous appartient et à vous pour la vie. Datez donc vos lettres. Ce 7 décembre.


Madame de Sade est obligée à Gaufridy de ce qu’il a fait pour rompre la vente d’une partie du bien d’Arles.

Comme votre lettre, monsieur, ne demandait point de réponse, j’ai tardé jusqu’à aujourd’hui. Je serais cependant fâchée que vous crussiez que je ne suis pas sensible à ce que vous avez fait pour rompre un marché onéreux à M. de Sade et à ses enfants. Ce qui m’étonne, c’est la peine que cet acquéreur d’une partie du bien d’Arles a eu de se désister de cette vente, car vous lui rendiez au contraire un grand service puisqu’il aurait payé deux fois son prix, car je ne me suis point désistée de mon opposition ni ne me désisterai point sur les biens de M. de Sade pour mes reprises. Il est incroyable d’après cela qu’il se présente des acquéreurs.

Vous pouvez être sûr que je [ne] vous compromettrai en rien et que ma reconnaissance de votre attachement aux intérêts de mes enfants est toujours à la tête des sentiments d’estime et de considération avec lesquels je suis votre concitoyenne. Cordier-Sade.

Ce 21 nivôse, an VI.


Le marquis travaille, sans grand succès, à faire lever le séquestre ; il craint que Barras ne le connaisse et ne se souvienne des vieilles histoires ; il donne à l’avocat plusieurs moyens de duper madame de Sade et les créanciers ; sa fille est venue dîner chez Sensible : elle est bête et bridée comme un oison. (27 nivôse).

Vous vous impatientez, mon cher avocat, je le conçois, mais moins que nous, je vous en donne bien ma parole, et, si nous avions prévu que cette affaire fût aussi longue et aussi désagréable, nous n’aurions pas passé l’hiver à la campagne, ce qui nous fait quatre fois la semaine dépenser dix francs de voiture, et souvent le dîner à l’auberge quand nous ne trouvons pas nos amis ou chez eux ou disposés à nous en donner. Je vous l’ai dit, l’affaire a été mal enfilée, et c’est maintenant le diable pour s’en tirer ; voilà la route mieux prise, mais elle sera longue. On nous a renvoyé d’abord de Ponce à Pilate, enfin nous voilà chez le premier secrétaire de la police, qui a promis hier à Sensible que mon affaire serait placée au premier rapport, mais, en même temps, il lui a dit d’obtenir un ordre du directoire pour faire activer le ministre de la police. Autre longueur. Nous allons pourtant suivre ce conseil. On nous donne une lettre pour un ami de Barras et cet ami présentera, dit-on, mon mémoire à ce directeur, lequel en conséquence, s’il a envie de m’obliger, activera le ministre, ou le contraire, s’il n’a pas