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CORRESPONDANCE INÉDITE DU


créancier de Bar a pris la place de son homme d’affaires Resque, qui a montré trop d’indulgence. Sensible est à bout d’emprunt ; elle lit par dessus l’épaule du marquis et lui reproche la bassesse de son langage. Hélas, M. de Sade a perdu tout orgueil ! Il parle à un ami. Dans quinze jours il se brûle la cervelle.

La réponse de Charles est dépourvue d’artifice. Son père a failli jadis être incarcéré à Arles. Jusqu’à la radiation, la loi est formelle : les fermiers ne peuvent payer. Les plaintes et les injures du marquis sont l’effet d’un délire momentané. Non seulement l’avocat et son fils n’ont rien touché, mais ils se garderaient de toucher quoi que ce fût contre le vœu de la loi. Le marquis seul est inexcusable de vouloir compromettre l’honneur, la liberté et la vie d’un père de famille.




Bonnefoy, ci-devant géomètre à Colombe et futur épicier, raconte le voyage qu’il a fait avec M. de Sade et la citoyenne Quesnet. (Paris, ce 6 brumaire, an VI).

Nous sommes arrivés, monsieur, sans accidents, il y a eu quelque peu d’humeur en route, mais pas autant que je l’aurais cru. Ils m’ont dit l’un et l’autre qu’ils ne vivraient pas longtemps ensemble et ce que j’ai appris depuis notre arrivée me le confirme. Je compte les voir demain pour la dernière fois. Il est vraiment à désirer pour M. de Sade qu’il se sépare d’elle, ou qu’elle se sépare de lui. C’est la plus méchante femme qui existe ; elle est fausse comme un jeton, mais cela ne me surprend pas ; quand on a passé la plus grande partie de sa vie sur les théâtres des provinces et de Paris, on est au fait de jouer la comédie dans toutes les circonstances. Je ne crois pas que M. de Sade sorte d’avec elle comme il y est entré. Je crains bien que tous ses effets ne soient perdus pour lui ; elle est maligne et a pour elle des gaillards qui prendront bien ses intérêts. Il a, par dessus tout cela, la même réputation à Paris qu’en Provence. Tout cela joint ensemble ne pourra faire qu’un mauvais effet pour lui……

Je compte sur la promesse que vous m’avez faite, concernant le billet de Silvan, et vous prie de me faire savoir, si cela est possible, les prix que pourront valoir les bonnes huiles, les amandes princesse, des figues première et seconde qualité, les raisins secs, les bons anchois, les olives, les pruneaux et le vermicelle. Le tout au prix marchand, attendu que je me propose de faire l’épicerie au lieu d’un café……