qu’il se rende à Arles, pendant qu’il en est temps encore, pour passer
le bail. Mais la famille de l’avocat refuse absolument de le laisser partir
et le marquis en est instruit par une lettre « foudroyante ». Le temps
de la chevaleresque amitié est fini ! Mais quelle est la raison d’un pareil
refus ? Est-ce le bruit que M. de Sade va céder ses biens à son fils qui
cloue l’avocat sur son fauteuil ? Il a bien été question de quelque chose
de semblable avec la marquise, mais jamais avec ses enfants. Ou serait-il
exact que Gaufridy se plaigne qu’on le laisse patauger avec les créanciers
du Comtat, tandis que le marquis ne songe qu’à garder pour lui
ses revenus d’Arles ? La véritable raison est la peur. Le régisseur est
un barbon de soixante-cinq ans que sa femme tient en tutelle. Le danger
qu’il redoute n’existe pas : le marquis dîne tous les jours avec des gens
très haut placés (notamment dans la police) et nul ne lui a dit qu’il y
eût du péril à le recevoir. Il est prêt à faire certifier cela par plusieurs
membres du gouvernement. La poltronnerie de l’avocat est honteuse.
C’est le mal du pays et il en est atteint plus que quiconque ! Se souvient-il,
du moins, du temps où il défendait Dieu dans leurs discussions ?
Eh bien ! S’il y a une divinité le marquis sera vengé, dût-elle ne servir
à rien d’autre ! Gaufridy ne veut même plus ouvrir ses lettres, mais
elles lui parviendront par une voie détournée, avec de terribles imprécations
contre celui qui s’aviserait de les retenir. Là-dessus le marquis
attaque Charlotte Archias, la belle-sœur de l’avocat, qui est fort dévote.
Il lui rappelle les promesses de son ami, la rente qu’il reçoit (si tant est
cependant qu’il la reçoive) pour un travail dont il ne s’acquitte plus,
les commandements de la religion auxquels ce malheureux est en train
de manquer. Si cette diversion, menée par les chemins du ciel, ne réussit
pas, Quesnet d’abord, M. de Sade ensuite, partiront pour la Provence
et sauront bien faire rougir l’avocat de ses procédés.
La grande affaire semble néanmoins avoir fait un pas. Déjà Sensible a obtenu de Barras et de Merlin qu’ils apposent sur la requête du marquis la mention « prompt rapport », mais elle est un peu galvaudée et reste longtemps sans effet auprès de la police. Enfin M. de Sade affirme avoir reçu un arrêté de mise en surveillance auquel Gaufridy n’a plus qu’à joindre (il s’en acquittera comme notaire) l’attestation que tout ce qu’il a fait depuis trente ans, que tous les certificats de résidence délivrés depuis la Terreur concernent bien Donatien Aldonze François Sade, lequel est sans le sou et réduit à l’emprunt. Les noms que donne le marquis sont ceux qui figurent, dans le même ordre, sur l’extrait de