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MARQUIS DE SADE — AN V.
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« cas de me croire émigré, et je vous préviens que, si vous ne remettez pas sur le champ ce que vous m’avez volé au présent porteur de ma lettre, je vous dénonce au Directoire comme un fripon, et soyez sûr que j’y ai assez de connaissances pour vous y faire punir comme vous le méritez. Salut. Sade, à Saumane ; ce trente prairial, an V.

« Copie littérale du reçu que vous vous êtes permis de donner à mes débiteurs :

No 9 bis. — Je, soussigné, receveur de l’enregistrement, au bureau de l’Isle, déclare avoir reçu de Marianne Paradis, veuve Moreau, et des mains, en argent, d’Antoine Moreau, son fils, de Saumane, la somme de vingt-neuf francs quatorze sous pour neuf années d’arrérages d’une rente constituée de trois francs six sous, qu’il supporte à l’émigré Sade.

À l’Isle, le quinze thermidor, an III de la république française,

« signé : Perrin.

« L’original restera dans mes mains, jusqu’à ce que vous m’ayez rendu votre vol et, si je ne suis pas satisfait à vue, demain il part dans une lettre au Directoire.

Le dit Sade a récidivé par une autre lettre dont la teneur suit :

« Je suis très étonné, monsieur, qu’après vous avoir fraternellement invité à me rendre l’argent que vous m’avez volé au nom de la nation, vous ne me l’ayez pas encore rapporté. En faisant mes comptes avec mes débiteurs, je trouve chaque jour de pareilles friponneries de votre part ; je vous invite une seconde fois très sérieusement à restitution, et, si sous quatre jours, vous ne vous êtes pas exécuté, je ferai savoir au Directoire quelle a été votre conduite. Je vous salue. De Sade. Ce 25 juin (v. s.).

Il accuse le requérant, tant par le moyen des dites lettres que par les propos qu’il tient publiquement : de lui avoir volé une portion de son revenu, dont le requérant a fait la recette en qualité de receveur du domaine national au bureau de l’Isle, attendu que le dit Sade s’est trouvé et est encore porté sur la liste générale des émigrés, arrêtée par le gouvernement le vingt-quatre pluviôse, an II de la république, recette qu’il a faite ainsi qu’il le devait, vu qu’il est, comme il est dit ci-devant, porté sur la liste des émigrés, de laquelle il n’est point à la connaissance du requérant que ledit Sade ait été rayé ; d’en avoir détourné à son profit une somme de vingt-neuf francs quatorze sous, dont il dit que le requérant n’a pas fait compte au trésor public ; que tous les faits contenus en cette lettre, ainsi que ceux que le dit Sade se permet de répandre dans le public, sont faux et calomnieux, et comme le requérant, en sa qualité de simple citoyen et en sa qualité de receveur, dont toutes les actions doivent être exemptes de reproches, ne peut laisser propager de pareilles inculpations, je dit huissier, au requis du citoyen Perrin, ai cité le dit Sade, conformément aux articles 95-180-181-182 et 183 du code des délits et des peines, pour comparaître devant le tribunal