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CORRESPONDANCE INÉDITE DU


citoyenne, et l’intérêt puissant que votre époux sait que j’y ai pris, en le convainquant de mes sentiments, devrait me valoir de lui, au moins, un peu plus d’activité quand il s’agit de mes plus pressants besoins.

J’attends votre réponse et de l’argent avec la plus vive impatience et vous offre en attendant, citoyenne, l’hommage de mon respect. Sade.

Ce 22 pluviôse, an III.


M. de Sade charge deux amis de l’avocat de lui remettre un pli qu’il n’avait pas osé confier à la poste.

……Il y a deux choses que je n’ai jamais osé confier à la poste et dont je vais vous parler dans cette lettre de la remise de laquelle je suis sûr.

1o  Pourquoi une certaine cassette que vous m’envoyâtes, il y a deux ans, et que j’avais laissée pleine à la Coste, m’est-elle arrivée vide ? Que sont devenus, et les papiers, et les objets qu’elle contenait ?

2o  Lors de mon arrestation, on m’a saisi huit ou dix lettres de vous, que les imbéciles membres de mon comité révolutionnaire trouvèrent suspectes. On ne veut pas me rendre ces lettres ; j’ai vainement employé Goupilleau pour les ravoir, c’est impossible. Mais n’en appréhendez absolument rien ; premièrement parce qu’au fait elles ne contenaient rien de suspect, et, secondement, parce que Goupilleau m’a protesté qu’on ne réveillerait jamais ces atrocités-là. Depuis lors, j’ai épluché votre commerce et j’ai brûlé tout ce qui pouvait paraître louche. Observons-nous, chacun de notre côté, et ne mettons jamais les affaires publiques dans notre correspondance. Le moment n’est pas tranquille ; il y a une lutte affreuse, cela ne se terminera pas sans encore quelques catastrophes[1]. Raisons puissantes pour s’observer.

Il s’en faut de beaucoup que j’aie fait à vos amis toutes les honnêtetés que j’aurais voulu leur faire, mais ils ont réussi sans moi, et je n’ai pu que les inviter à manger une couple de fois. J’étais à leurs ordres ; je leur avais dit, mais ils ne m’ont point employé.

Je les charge de vous peindre ma détresse, elle est au comble……


Le marquis tance vivement Gaufridy qui ne l’a pas avisé de la mort de M. de Murs et le somme de faire immédiatement valoir ses droits à l’héritage.

……Comment ? Vous, sur qui toute ma confiance repose, vous, mon ami, vous que je charge universellement de tous mes intérêts, vous ne m’avertissez pas de la mort de M. de Murs, et il faut que ce soit par des

  1. La réaction thermidorienne, la dépréciation des assignats, le manque de denrées devaient conduire aux journées des douze germinal et premier prairial an III.