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MARQUIS DE SADE — AN III.
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Le marquis, sorti de prison, craint que son ami n’ait eu à pâtir, comme lui-même, de la tourmente révolutionnaire, mais il se flatte des marques particulières d’estime que le comité de sûreté générale lui a données en le libérant. (Sans date).

Donnez-moi donc de vos nouvelles, je vous en conjure, mon cher citoyen. Votre silence depuis dix mois me met dans une horrible inquiétude. Je crains que vous ne soyez dans un état de souffrance où j’aurais le plus grand chagrin de vous savoir.

Et moi aussi, mon cher ami, j’ai été dans un cruel état de souffrance. Après tout ce que j’avais fait pour la chose publique, ils m’ont tenu trois cent douze jours en prison sans motif. Enfin mes peines sont finies, et le comité de sûreté générale, en me rendant justice, m’a même donné une grande marque d’estime en me retenant à Paris quoique ex-noble, et cela à cause de mes ouvrages patriotiques dont le comité désire que je continue d’alimenter l’esprit public. J’ai fait passer au district d’Apt copie conforme de l’ordre de ma sortie et de la levée des séquestres. J’en ai fait passer autant à Arles, à Mazan et à Saumane. Un bon certificat de résidence bien en règle va suivre dans chacune de mes terres ; ainsi il n’y a donc plus d’obstacles à ce que l’on m’envoie des fonds……


Le marquis demande de l’argent au citoyen Audibert, son fermier à la Coste, et, pour être plus sûr de l’obtenir, se vante d’avoir le bras long.

Il est bien extraordinaire, citoyen, que m’étant mis en règle comme vous savez que je m’y suis mis à votre district d’Apt, en envoyant l’ordre de la levée de mon séquestre et des certificats de résidence et de civisme de la part de ma section, il est bien extraordinaire, dis-je, d’après tout cela, que votre silence soit toujours le même vis-à-vis de moi et que, connaissant mon affreuse position, vous ne vous occupiez pas de m’en tirer en m’envoyant sur le champ des fonds. Je vous préviens cependant, citoyen, que si vous ne m’en envoyez pas sur le champ, je vais porter mes plaintes au comité de sûreté générale qui, certainement, vous fera sommer aussitôt de me compter ce qui me revient, depuis le temps énorme que vous ne m’avez pas fait passer un sol. Vous voyez de quelle manière le comité de sûreté générale agit envers moi. Dernièrement encore, il vient de me mettre en réquisition. Je travaille sans cesse pour la chose publique, et je suis assez sûr de la justice et de la reconnaissance de ce comité pour être persuadé qu’il trouvera très mauvais qu’on ne m’envoie pas mon revenu, dès l’instant qu’il en a donné l’ordre. Or cet ordre est à votre district ; informez-vous-en, citoyen, et ne perdez pas ensuite une minute à m’envoyer des fonds, je vous prie. Faites encore votre possible pour faire tenir celle-ci à Gaufridy et