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MARQUIS DE SADE — AN III.
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Quinquin qui n’a rien fait ni rien donné est remplacé à Mazan par un sieur Roux, neveu de Gaufridy et administrateur au district, lequel se donne un peu de mal, ne réussit pas mieux que son devancier, se dégoûte et patauge. À Arles, l’honnête Lions est successivement accusé d’avoir vendu ses blés pour rien, alors qu’ils sont payés fort cher partout ailleurs depuis la suppression du maximum, et d’avoir envoyé dix-sept septiers de son grain à un sien parent. M. de Sade se plaint que la foudre n’écrase pas un tel fripon ! Mais je n’en finirais pas de narrer les mésaventures de ce petit bourgeois formé aux traditions de la prudence et de l’économie, dans ses rapports avec un pareil homme et en un pareil temps.

L’opération que M. de Sade a le plus à cœur est la vente du château de Mazan et de ses dépendances immédiates à madame de Villeneuve. C’est Quinquin qui a eu l’idée et le marquis croit aussitôt la chose faite. Mais ses prétentions, qui croissent sans cesse, sont en contradiction avec celles de la vieille dame, qu’il trouve ridicules. Tout est mis en œuvre pour accrocher la tante. À défaut d’une vente, on est prêt à lui louer Mazan à vie, car l’état de fermier honore tout le monde et il ne s’agit que de s’entendre sur le prix. Or il est trois fois sûr que madame de Villeneuve vivra longtemps encore et, comme son neveu aurait l’air de lui souhaiter une prompte mort en lui demandant un loyer dérisoire, il faut qu’elle paie très cher. Toute la correspondance échangée sur cette affaire est à lire, en particulier l’amusante lettre que le marquis écrit à Quinquin pour lui faire part de ses décisions successivement inébranlables et lui offrir, après beaucoup d’insultes, deux mille écus de pot de vin s’il amène la tante à jubé.

Dans ce même château de Mazan, Langlois, qui meurt de faim avec ses cent écus comptés en assignats, écrit des lettres lamentables que le marquis envoie à Gaufridy en l’encourageant à secourir ce malheureux. Nous verrons ce qu’il en sera le jour où l’avocat se décidera à le faire.

Gaufridy n’a pas assez « pateliné » M. de Murs qui s’avise de réclamer au marquis deux années arriérées de sa pension. Ce ne sont pas des procédés de parent riche et cette façon d’agir sent terriblement son aristocrate. Il faut faire entendre cela au vieillard, et, s’il persiste à vouloir être payé, le citoyen Sade le travaillera de la belle façon au comité de sûreté générale où ce débris de l’ancien régime n’est pas en très bonne odeur.

Hélas ! Le vieux seigneur ne demandera plus rien ! Il meurt, et