Avez-vous un peu ri, avocat ? Savez-vous que j’ai un grand crédit dans ma
section maintenant ? Il n’y a pas de jours où l’on ne m’emploie. Le petit
écrit que je joins ici, et qui a été fort goûté, en est la preuve. Je suis à
présent également nommé par ma section pour assister en qualité de commissaire
à l’assemblée administrative des hôpitaux. Nous sommes là quatre-vingt-seize ;
il s’agit de tout refondre et je vous réponds que nous avons
un travail très pénible. Il faut étudier, travailler, compiler ; à peine me
reste-t-il une heure à moi…… Comme j’attends les réponses de Mayer, de
Pépin et du district de Vaucluse, je n’écris point celle pour la municipalité
de Saumane, mais vous pouvez en faire un petit mémoire en mon nom et
l’envoyer pourvu que vous ne le finissiez point par ces mots : quand même
on vous regarderait comme citoyen. Cette phrase aristocrate ferait mettre à
la lanterne un homme qui la dirait ici. On voit bien, messieurs des départements,
que vous n’êtes pas encore à la hauteur de la révolution……
Au reste, l’espoir que j’ai de votre prompt retour en Provence fait que je
n’écrirai à personne jusqu’à vos premières nouvelles. Je conçois bien qu’on
a dû tracasser les chargés d’affaire des seigneurs, mais je n’entendrai jamais
qu’on ait pu vous tracasser vous, en raison des miennes puisque mon rôle
n’a jamais été douteux, que mon patriotisme, établi sur dix ans de Bastille,
ne saurait se révoquer en doute, qu’il est, en un mot, certain que je n’ai
plus aucune prétention aristocrate et que je suis jusqu’au col, de cœur et
d’esprit, dans la révolution. Pourquoi donc, d’après cela, d’abord me tracasser,
moi, et puis vous, en raison de moi ? Voilà ce que je ne puis comprendre……
Eh bien ! mon cher avocat, est-ce une chose assez singulière, assez surprenante que quelques efforts que je fasse tant auprès de vous qu’en Provence, je ne puisse absolument savoir le vrai sur les détails de la dévastation du château de la Coste ! Vous adoptez, dites-vous, l’édition de M. Reinaud, mais M. Reinaud dit que le château est ruiné et démoli de fond en comble, et voici une lettre de Paulet qui dit positivement que le château a été pillé, qu’on a détruit quelques cloisons intérieures, mais que la maison est entière et si bien, que la municipalité en a fait murer la porte. Je vous demanderai encore une fois lequel croire ? et pour Dieu mandez-moi mot à mot et sans tergiversation : « Votre château est encore entier », ou : « Il ne reste rien de votre château…… »
Vous m’avouerez qu’il est bien cruel pour moi que le chef de mes affaires, M. Gaufridy, et ses deux aides de camp, MM. Ripert et Lions, disparaissent tous les trois à la fois, et cela pendant que leur présence n’a jamais été si nécessaire……
L’injustice de tout ce qui vous concerne et que vous avez la complai-