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AN I


Les Costains ont pillé le château au prétexte qu’il s’y faisait des accaparements de blé. Gaufridy se défend d’une accusation qui ne monte pas jusqu’à lui : si elle n’est pas totalement calomnieuse, c’est le concierge seul qui pourrait être incriminé. La Soton prétend que cet homme tenait au château tripot et bordel.

Les émeutiers n’ont peut-être pas trouvé du blé, mais ils ont trouvé du vin et ils l’ont bu. Ils ont fait main basse sur tout ce qui était à leur convenance et défénestré le reste. Le curé a réuni au presbytère ce qu’il a pu retrouver ; quelques personnes de bon renom ont pris certains meubles chez elles ; d’autres les ont imitées avec l’espoir de bénéficier du temps et de l’oubli. La population a été publiquement exhortée à restituer, mais des charrettes sont venues de Marseille et le gros du butin a été emporté pour les besoins de l’armée du midi ! La municipalité a fait ce qu’elle a pu, mais elle n’a pas réussi à empêcher le pillage. Lorsqu’on hante le loup, il faut le museler ou hurler avec lui.

Le marquis ignore l’étendue de son malheur sur lequel il ne reçoit que des renseignements contradictoires. Il se plaint justement que Gaufridy n’ait pas suivi ses ordres en déménageant le château. Parmi les seuls objets qu’il lui ait envoyés se trouvait la grande cassette et elle est arrivée vide, sans trace d’effraction. C’est encore un coup des Montreuil, ou de madame de Sade, ou de Gothon, ou de Rousset. Gaufridy, qui a dû rire dans sa barbe en remettant la cassette au roulier, répond que les papiers ont vraisemblablement été brûlés par la demoiselle.

Cependant l’avocat, que sa position de faciendaire d’un ci-devant empêche de dormir, fait savoir à M. de Sade qu’il reçoit des avis secrets de se séparer de lui. Mais le marquis ne veut pas admettre qu’on courre quelque risque à s’occuper de ses affaires, alors que lui-même travaille à faire son chemin dans la révolution et y conquiert ses grades. Il est