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CORRESPONDANCE INÉDITE DU

Je n’ai pas bien pu lire le nom du chevalier de madame de Raousset. Est-ce un certain Virette, de Bonnieux, qui avait épousé mademoiselle de Brosse ? Si c’est cela, je le connais, et le personnage aurait bien pu se passer de manger l’argent de ma cousine. Coucher, oui ; mais gruger, non.

Quelques amis consultés ici n’ont pas trouvé très politique d’envoyer le chevalier à Carpentras. Il vaut beaucoup mieux, m’assure-t-on, y aller moi-même ; et je vous assure que je ne passerai pas le mois de mai, je prends déjà mes arrangements pour cela…… D’ailleurs, comment vous envoyer le chevalier ? Depuis trois mois il ne m’a pas écrit une ligne, et je ne sais absolument ce qu’il devient ; l’aîné de même. Je crois qu’ils s’entendent tous deux pour me laisser dans l’inquiétude sur leur compte. C’est en Allemagne qu’est l’aîné, et, s’il y était sans avoir donné sa démission, il serait, assure-t-on, bien plus coupable, parce qu’il serait alors regardé comme déserteur. Vous savez à ce propos que le roi vient de poser son veto sur le décret contre les émigrants. Ce procédé de sa part fait ouvrir les yeux à tout Paris, car le voilà donc à présent acceptateur très décidé de la constitution. S’il refuse un décret, il accepte tous les autres, cela est clair, et voilà bien des gens surpris, et principalement ceux qui s’efforçaient de le faire passer pour prisonnier……

Si je vous ai demandé des nouvelles de Vidal, c’est parce qu’il avait trouvé une mine d’or, dont je devais avoir ma part. S’il n’a pas fait fortune, alors, nos espérances s’étant envolées en fumée, je n’ai plus rien à lui demander……

Vous menez, dites-vous, des témoins avec vous quand vous allez au château ; je vous avoue que je suis extrêmement scandalisé, et que vous preniez cette précaution, et que vous me le disiez. Je vous demande avec la plus vive instance que pareille chose n’arrive plus, autrement vous me contraindriez à défendre très énergiquement à vos témoins de vous accompagner. Je suis aussi surpris que piqué, et que vous me fassiez de pareilles choses, et que vous me les disiez. Je ne dis pas que ce soit vous qui ayez fait entrer au château tous ceux que je soupçonne de m’avoir dérobé beaucoup de mes effets ; j’ai dit simplement et je dis encore : « Voilà ce que c’est que de les y avoir laissé entrer. » Vous ne pouvez ni me blâmer ni m’empêcher d’avoir de cela le plus extrême regret…… Assurément je savais la Rousset au château, mais je ne l’ai jamais crue despote ; je l’ai toujours crue sous vos ordres, et toujours crue honnête. Je suis très surpris qu’elle ne l’ait pas été……

J’espère, dans ma première lettre, vous apprendre la fin de mes affaires avec madame de Sade. Souvenez-vous que je dis seulement : j’espère. Adieu, mon cher avocat. Portez-vous bien et surtout ne vous fâchez pas comme cela pour des torchons et des serviettes, car vous m’affligeriez moi-même beaucoup et m’empêcheriez de vous parler à mon aise. Je vous embrasse de tout mon cœur.

Ce 14 novembre 1791.