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MARQUIS DE SADE — 1791
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Le marquis ne paie pas ce qu’il doit à sa femme, mais consent à lui faire de petits cadeaux. (12 mai 1791).

……Pardonnez-moi la plaisanterie sur l’huile de madame de Sade. Je vous assure que, quelque point que nous soyons brouillés, je ne vous blâmerai jamais d’une chose que je voudrais faire bien plus souvent moi-même si mes moyens me le permettaient. Je vous exhorte même à lui envoyer tout ce qui lui fera plaisir sans jamais lui en demander un sol. J’acquitterai volontiers ces petits objets-là, au moins tant que je le pourrai……


M. de Sade apprend avec une grande douleur que sa tante de Villeneuve a été arrêtée par les brigands. (22 mai 1791).

J’apprends une nouvelle affreuse, mon cher avocat. On imprime ici que madame de Villeneuve, allant de Carpentras à Orange voir madame de Raousset, sa fille, a été arrêtée par les brigands et menée en prison. Je vous avoue que cette nouvelle a été comme un coup de foudre hier pour moi, quand je l’appris. Je vous conjure de m’écrire tout de suite un petit mot qui m’instruise, qui me dise si cela est vrai ou non. À quatre-vingts ans, cette malheureuse femme ! Voilà en vérité une horreur abominable et bien digne de ces brigands-là ! On ajoute que madame de Raousset a offert sur le champ une somme considérable pour la rançon de sa mère. Ce trait est tout simple sans doute, mais il honore en même temps son âme, et je l’aime et l’estime bien plus depuis qu’elle a fait cela. Faites passer, je vous prie, tout de suite la lettre ci-jointe à madame de Villeneuve et offrez-lui de ma part tous les services que nous pourrons lui rendre. Proposez-lui la Coste ; il me semble qu’elle y sera plus en sûreté puisque c’est en France, et, si elle l’accepte, recevez-l’y, je vous prie, comme il convient. Votre âme et votre honnêteté préviennent toutes les recommandations que je pourrais vous faire sur cela……


Le marquis assure que crédit est mort et qu’on meurt de faim à Paris avec des billets plein ses poches.

Vous voyez bien, mon cher avocat, que voilà encore une de vos lettres (celle du vingt mai) désespérante s’il en fut jamais. Ce n’est pas qu’elle ne contienne des choses très sages, le récit de services très importants que vous m’avez rendus. Mais, éloignés comme nous le sommes, au moins faudrait-il préférer à tout dans vos lettres la chose du moment. Or vous savez à merveille, mon cher avocat, que cette chose du moment, cette chose plus attendue que le Messie par les Juifs, est d’une part les mille trente livres restantes, de l’autre la réception de mon troisième envoi. En ouvrant votre lettre, je croyais trouver l’un ou l’autre, et il m’a fallu lire quatre pages sans entendre prononcer un seul mot de l’un, et, ne trouvant pour l’autre que la seule ligne : « J’ai écrit fortement à Arles ». J’ai montré cette ligne