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CORRESPONDANCE INÉDITE DU


la Trappe ne me conviendrait plus trop. À propos, nous l’avons sur la scène française, à présent, la Trappe. Après nous avoir donné des cardinaux dans Charles IX, des religieuses dans la comédie du Couvent, on nous donne à présent le Comte de Comminges, drame de M. d’Arnaud, dont le lieu de la scène est à la Trappe. Il n’y a point d’autre acteur que des moines, point d’autre décoration qu’un cimetière et des croix. On s’y étouffe, tant nous sommes devenus anglais… que dis-je ? anthropophages !… cannibales !……


La marquise est bien décidée à se séparer de M. de Sade. (Ce 13 juin 90).

……Je tiens au parti que j’ai pris de me séparer de corps et de biens. C’est après des réflexions mûres et bien pesées par moi depuis longtemps. M. de Sade, en descendant au fond de son cœur, doit rendre justice au motif qui m’y détermine et sentir que cela ne peut être autrement. Pour d’éclat, il en est le maître. Je ne dirai que ce qu’il me forcera de dire, pour me justifier. Mais je le dirai s’il m’y force. Les affaires publiques absorbant tout, il n’est point question dans le monde de lui ni de moi……


Le marquis trouve que le langage que lui tiennent ses régisseurs n’est pas celui qu’il peut tenir à son boucher et à son boulanger.

……Je reçois, avec la vôtre, une lettre de M. Lions, qui me dit que les moutons ne sont pas tondus… Je me f… bien des moutons, moi, mon cher avocat ! Croyez-vous que mon boucher et mon boulanger se paieront en leur disant : « Messieurs, mes moutons ne sont pas tondus ? »

Oui, oui, riez, avocat, riez !.. Je suis fort aise de vous faire rire, mais envoyez toujours de l’argent, ou vous allez me mettre dans la plus grande peine et le plus cruel embarras. Il m’est impossible d’attendre plus de quinze jours. Ce 23 juin. Je vous embrasse de tout mon cœur.


Le marquis parle de la fête nationale. (17 juillet).

……Il y a quatre jours que cette lettre était commencée sans qu’il m’ait été possible de trouver l’instant de la continuer. Je ne voulais d’ailleurs vous écrire qu’après la fête nationale, afin de vous en parler. Une telle chose est impossible à détailler. Il faut l’avoir vu pour se le peindre. J’étais aux meilleures places, et sans que cela m’empêche d’avoir, six heures de suite, la pluie sur le corps. Cette circonstance a troublé tout et a fait dire que Dieu venait de se déclarer et qu’il était aristocrate. Jamais il n’y eut tant d’ordre à une fête et jamais il n’y en eut une sans moins d’incidents. Un homme tué et deux blessés par le canon, et encore par maladresse, voilà tout. Cependant, cette fête, qui devait établir l’union, va faire naître la discorde. Tout est plus en rumeur que jamais ; on prétend que le roi devait aller faire le serment à l’autel… quelle platitude ! Où ce serment