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CORRESPONDANCE INÉDITE DU

ne pouvais dans la suite éprouver que du désagrément, après n’avoir cherché qu’à faire le bien, par l’extrême prévention de celui qu’elles regardent. Confiées à son plus proche parent de son nom jusqu’à son retour, celui devenu, par l’âge et les événements, le chef de sa famille, je me trouvais trop heureuse, lorsque la mort l’a enlevé, avec lui la fortune que nous étions fondés d’en attendre dans peu pour son petit neveu et que trois mois de vie de plus auraient faite. C’est sans doute le plus grand malheur qui pouvait arriver à mes petits-fils. Ils le sentent ; mais il faut s’armer de courage contre tous ceux que la Providence envoie, surtout lorsqu’ils ne sont pas mérités. Je ne sais quelles raisons il a cru avoir de se fier assez sur le temps pour ne pas même lui assurer une pension. Ce n’est pas faute de lui avoir rappelé les incertitudes de la vie. Il a regretté sa sécurité à cet égard, mais il n’était plus temps. Cela n’empêche pas d’improuver toute dissertation (inutile surtout) qui, dans un mémoire adressé à son ordre, pourrait être désobligeante à sa mémoire……


La marquise raconte les scènes populaires qui ont accompagné la déclaration du roi à l’assemblée. « Ce samedi, 13 février 90 ».

……Le Mercure me paraît bien fait et sans partialité. Il y a toujours force écrits. On se ruinerait à acheter tout et il serait impossible de les lire. Je pense comme vous qu’il y a beaucoup de choses qui ne passent pas dans les provinces. À présent, on prie Dieu dans les rues et l’on crie « Vive le roi ! » dans les églises. L’on chante un Te Deum dimanche ; l’assemblée ira. Le roi a été à Notre-Dame ; ne me demandez pas pourquoi, car je n’en sais rien.

L’on prête un nouveau serment au milieu des places ; sur les remparts on illumine ; tout cela pour le même motif. Plusieurs membres de l’assemblée refusent de prêter le nouveau serment. Ils voudraient que l’on leur expliquât ; on leur répond que ce qui a été décrété n’a pas besoin d’explication.

Une femme, dans l’enthousiasme de l’avoir prêté, c’était une femme du peuple, quelqu’un lui demanda ce qu’elle avait dit. Elle répartit : « J’ai levé les bras au ciel, j’ai dit : « Vive notre bon roi ! » Un autre homme a levé la main aussi au district et dit que, s’il avait fallu lever le pied, il l’aurait fait. Ensuite, il a levé la main pour ses maîtres, disant qu’ils n’étaient pas des istocrates. À un discours public, l’on a proposé de faire M. de La Fayette général de tout le royaume et M. Bailly maire général de tout le royaume. Cette place répond au maire du palais dans l’histoire……

Le peuple dit que le roi a été prêter serment à l’assemblée ; il s’est présenté seul à l’assemblée et l’on a débattu très vivement si on irait au devant de lui, et à la fin on s’est déterminé à envoyer quelques membres. On leur donne à présent vingt-quatre livres par jour. Le roi a voulu, le jour de l’an, venir dîner au Luxembourg avec son frère. On lui a dit qu’il serait accompagné de dix mille hommes, de crainte qu’il ne lui arrive quelque