quoique elle eût encore onze jours à courir. Je ne pus en sortir que le
samedi. Je fus trois jours sans fermer l’œil. Il n’y a pas d’exemple de tout
ce qui s’est dit et passé. Il faut l’avoir vu pour le croire et nos descendants
croiront que cela est exagéré. Comme je ne suis complice de rien, je n’ai
voulu sortir qu’avec permission, sans paquet ni arme et peu d’argent, car
avec cela j’aurais été menée à l’hôtel de ville. Tout ce qui m’intéresse se
porte bien. Il ne leur est arrivé aucun malheur……
Sur la nouvelle que reçut hier madame la comtesse, environ les huit heures du soir, que M. le grand prieur avait eu une attaque d’apoplexie, elle me manda de me rendre tout de suite à Carpentras auprès d’elle pour tâcher de prendre les moyens nécessaires pour enlever une partie des meubles de Saint-Cloud. Nous [nous] rendîmes tout de suite à Saint-Cloud avec deux charrettes, que madame fit charger de ce qui lui parut le plus de valeur, et l’a fait transporter dans la nuit au château de Mazan. Nous sommes maintenant à attendre des nouvelles de l’état de M. le grand prieur avant que de rien faire autre……
Si j’ai tardé à vous donner des nouvelles de M. le grand prieur, c’est pour attendre de vous en donner de sûres. Madame la comtesse de Villeneuve vient de me dire que la paralysie est formée, qu’il a le bras et la jambe gauches morts, mais que, malgré cela, les médecins décident qu’il peut vivre encore quelques années. On le promène sur une chaise à quatre roues dans des salles de son hôtel. On se propose de le faire promener en carrosse au premier jour. S’il vient prendre les eaux de Balaruc[1], madame la comtesse de Villeneuve se propose d’aller le voir et y rester pendant son séjour, et l’amener à Mazan s’il est possible.
Dès que j’aurai quelque autre nouvelle, je vous la donnerai. À Mazan la populace commence à crier contre les seigneurs et les prêtres……
……Mon fils aîné s’est très bien tiré de la bagarre de Nantes ; le cadet aussi, de celle de Franche-Comté.
- ↑ Près de l’étang de Thau. Sources sulfureuses.