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Launay, et par sa tante Louise Catherine Cordier de Launay marquise de Dazy. Cette dot, il est vrai, n’était payable que pour partie en argent : le reste était représenté par une rente ou des institutions contractuelles sur les successions à venir des donateurs.

Le marquis apportait les revenus de sa charge, évalués à dix mille livres annuelles, et les terres de la Coste, Mazan, Saumane et Arles, dont le comte s’était défait, en l’émancipant, avec réserve d’usufruit sa vie durant, qui devait être courte. Il constituait à sa femme une rente de quatre mille livres à titre de douaire préfixe avec aliénation du capital au profit des enfants à naître. Ces conventions, dont je n’indique que les principaux articles, furent signées par toute la parentèle des Montreuil, tandis que le père et la mère du futur époux et son cousin l’abbé-comte de Sade, alors chanoine de l’église de Marseille, intervenaient seuls au contrat. Elles furent, en outre, honorées de l’agrément de leurs Majestés le roi et la reine, de monseigneur le dauphin, de madame la dauphine, de nosseigneurs les ducs de Berry et de Provence, de mesdames de France Marie Adélaïde, Sophie Philippe et Louise Marie, de leurs altesses sérénissimes M. le prince de Condé, mademoiselle de Sens et monseigneur le prince de Conti. On ne pouvait préluder mieux à une union raisonnablement, confortablement et durablement assortie.

Trois mois après son mariage le marquis était enfermé à Vincennes pour débauches outrées en petite maison. À peine sous les verrous il s’accuse lamentablement, supplie qu’on avise sa femme et sa belle-mère de sa situation en leur cachant sa faute. Il bat sa coulpe pour l’injure qu’il a faite au ciel et promet de s’amender. On le relâche.

Ses contemporains en ont su beaucoup plus que nous sur l’emploi qu’il a fait des années qui ont suivi. Sa réputation était détestable. Il était, dit-on, un des familiers du duc de Fronsac et du prince de Lamballe, mais sa mauvaise renommée est au-dessous de la leur et il y avait sur lui moins de réprobation que d’opprobre. Ses goûts étaient bas, bien que ses manières ne fussent pas sans élégance et son esprit sans lustre. Il n’était à son aise qu’avec les filles de bordel ou de cuisine. On ne le voit qu’accompagné de son valet, ce qui est dans la tradition, mais il partage ses plaisirs avec lui et cette crasse est toute neuve. La tendance qu’il avait à se faire petit ne s’est jamais démentie et son plus grand méfait est d’avoir avili sa femme par les complaisances qu’il a exigées d’elle. Cette bassesse se voyait, et les contemporains du marquis ne s’y sont pas trompés. Il inspirait du dégoût et presque de l’effroi. L’inspec-