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CORRESPONDANCE INÉDITE DU MARQUIS DE SADE — 1788
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de faillites à Paris et elles ne sont pas moins nombreuses en province. Une lettre de change de deux mille livres, que Lions puîné a fait tirer par un sieur Boulouvard neveu, banquier à Arles, sur un de ses confrères parisiens, revient protestée ; mais, entre temps, le tireur lui aussi a fait faillite et Lions supplie la marquise et le grand prieur de ne pas mettre cette perte au compte de son père. C’est beaucoup demander car Lions aurait dû savoir que son homme n’était pas sûr ! Telle mésaventure ne lui serait pas arrivée s’il s’était adressé à l’oncle Boulouvard qui fait le même commerce. On en discutera pendant dix années entières.

Le grand prieur est revenu de Toulouse plus jeune et plus ingambe que jamais. Il va s’occuper des affaires et arrêtera tous les comptes si on veut bien lui laisser quelques semaines de repos pour s’y préparer. Les travaux que l’on fait au château de Mazan l’intéressent fort car il veut prendre ses quartiers d’hiver dans le Comtat. Il ordonne d’y transporter les meubles de Saumane, et cette opération fait trembler madame de Sade qui supplie Gaufridy de faire adroitement constater le transfert pour que l’ordre de Malte ne comprenne pas les effets déplacés dans la dépouille du grand prieur s’il vient à mourir. Mais l’avocat reçoit lui-même l’ordre d’envoyer à Mazan le plus beau lit de la Coste et la marquise ne peut le blâmer d’obéir au maître que la famille s’est donné.

Madame de Sade perd son aïeule, mère de la présidente, qui meurt de la fièvre à Paris, à l’âge de quatre-vingt-douze ans et trois mois.

Le vieux Lions meurt à son tour. Il a laissé quarante mille livres à son fils puîné qui le seconde depuis six ans et l’a recommandé, avant de passer, à madame de Sade et à l’avocat. Mais c’est l’aîné qui a la saisine et va prendre la place de son père, si le seigneur n’en décide autrement. Une compétition s’ensuit et le grand prieur ennuyé s’esquive sans avoir rien décidé. Lions aîné a la gérance d’Arles au détriment de son cadet qui vaut mieux que lui.

On bâtit à Mazan, mais on laisse tomber en ruine la chapelle servant de sépulture que la famille possède à Avignon. Elle est si dégradée que l’on n’y peut plus célébrer les saints mystères. Un certain frère Maurice essaie en vain d’intéresser la piété et l’amour-propre de la marquise en lui citant l’exemple des familles nobles qui ont des chapelles dans la même église et qui les entretiennent à grand frais. Le grand prieur ne trouve pas quatre cents livres à distraire pour cette pieuse restauration.