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CORRESPONDANCE INÉDITE DU


les vassaux l’accueillent avec des pétards et des bombes. Madame de Sade en est fâchée, mais elle espère que le grand prieur, récemment nommé, prendra pour lui ce joyeux tintamarre. Le navire est poussé par le vent dans le port de Syracuse et arrive à Malte après dix-sept jours de traversée. Le chevalier commence aussitôt ses caravanes, qu’il pense pouvoir terminer en dix-huit mois, et tient presque toujours la mer. Ses lettres sont pleines de suffisance et de candeur : il est bon enfant et « joli homme ».

Madame de Montreuil est enfin parvenue à son but : par sentence scellée le vingt un juin, vu la requête des proches de M. de Sade et l’interrogat de sa femme qui a déclaré s’en rapporter à justice, M. le lieutenant civil au Châtelet homologue l’avis de parents et pourvoit à la gérence des biens du marquis, absent depuis dix ans. Les droits généraux d’administration sont conservés à Gaufridy, mais en présence et avec l’agrément du grand prieur, nommé pour recevoir la reddition des comptes et employer les fonds aux dépenses qui auront été autorisés par lui-même et par le président de Montreuil. Madame de Sade pourra toucher, sur ses simples quittances, les revenus de ses biens propres et en remployer le prix conformément à l’avis de parents. Il lui est en outre délégué, sur les revenus de son mari, une pension annuelle de quatre mille livres à prendre sur les loyers d’Arles, mais à charge par elle de servir quelques menues pensions payables à Paris. La tutelle et la direction des enfants est confiée à la mère et au grand prieur. Les parents qui ont signé l’avis, par eux-mêmes ou par fondés de pouvoirs, sont : du côté du marquis, Joseph Gaspard Balthazar de Sade, bailli et grand commandeur de l’ordre de Malte, citoyen de la ville d’Avignon, depuis peu grand prieur de Toulouse, et Jean-Baptiste Joseph David, comte de Sade-Eyguières, seigneur d’Eyguières, comte de Montbrun, lieutenant-général pour le roi des provinces de Bresse, Bugey, Valromey et Gez, demeurant à Paris, rue Cassette, paroisse Saint-Sulpice ; du côté des Montreuil, Claude René Cordier de Montreuil, chevalier, conseiller du roi en ses conseils, président de sa cour des aides à Paris, et trois cousins de robe et d’épée cheminant sur leurs titres comme des mille-pattes.

Les affaires de M. de Sade n’iront pas mieux, mais le fossé qui avait commencé à s’ouvrir entre sa femme et lui se creuse d’un seul coup sans que la marquise en ait encore conscience.

Il va de soi que le grand prieur ne change rien à sa manière de