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— XIII —


Trois des sœurs, madame de Saint-Laurent, abbesse des Bernardines d’Avignon, madame la bénédictine de Cavaillon et madame de la Coste, vécurent en religion. La quatrième épousa le comte de Villeneuve de Martignan, dont elle eut promptement raison. Elle en eut plusieurs filles que nous retrouverons : madame de Martignan, qui se mit au couvent, mais ne fit pas de vœux définitifs, et madame de Raousset, qui n’apprit jamais rien, pas même le jeu qu’elle joua le plus volontiers. Un autre parent du marquis, M. de Murs, vivait dans son château avec une gouvernante qui l’y chambra jusqu’à sa mort. Ce vieillard, la tante de Villeneuve et ses filles ont occupé moins de place dans la vie du marquis que leurs héritages n’en ont eu dans sa pensée. Il a fait pour les avoir les plus réjouissantes bassesses et n’a point réussi.

M. de Sade père était chevalier-comte de la Coste et de Mazan, seigneur de Saumane et d’autres lieux. Il avait été capitaine de dragons au régiment de Condé ; il fut ensuite ambassadeur du roi en Russie et reçut, en récompense de ses services, la lieutenance générale pour le roi de la Haute et Basse Bresse, Bugey, Valromey et Gex. Cette charge lui avait coûté cent trente-cinq mille livres qu’il paya aux héritiers de M. le marquis de Lassay, son devancier.

La seigneurie de la Coste était un ancien fief de la maison de Simiane. Il était passé dans la famille du marquis, en 1627, par le mariage de Diane de Simiane avec Jean-Baptiste de Sade. Le château et les terres relevaient directement du roi, à qui le châtelain prêtait l’hommage, que ses propres vassaux lui rendaient « à deux genouils ». Le seigneur avait haute, basse et moyenne, justice, droit de péage, pulvérage, pêche et chasse, droit de four et de « pascuité » à la montagne et la redevance sur les fours à chaux qui s’y construisent, moulin à huile dans le village avec obligation pour les habitants d’y « détriquer » leurs olives et leurs noix. On lui payait la tasque des grains, légumes, olives, chanvre et glands au huitain, celle des raisins au dizain. Trois petits domaines, celui de Lavelan, de la Maison-Basse et du Petit-Moulin, étaient loués avec le château. Les fermiers percevaient les redevances féodales, ou ce qu’on en payait encore, et ne faisaient guère du tout qu’une rente de cinq à six mille livres.

Mazan était en terre du pape. Le marquis n’aimait point ce séjour. Le château était une grande bâtisse entourée de jardins et d’un fruitier. Les biens de Mazan comprenaient en outre des chènevières, des prairies,