effet si simple, et je te pardonnerai dêtre moraliste quand tu seras meilleur
phisicien. Tu veux analiser les loix de la nature, et ton cœur …ton cœur
ou elle se grave est lui-même une enigme dont tu ne peut donner de solution…
tu veux les définir ces loix… et tu ne peut pas me dire comment
il se fait, que de petits vaisseaux trop gonflés, renversent à l’instant une
tête, et fassent dans la même journée, un scélérat du plus honete des
hommes… toi… aussi enfant dans tes sistèmes, que dans tes découvertes…
toi qui depuis trois ou quatre mil ans — invente, change retourne argumente,
en est pourtant encor a ne nous offrir pour recompense de nos vertus,
que l’élisée des grecs, et pour chatiment de nos crimes, que leur fabuleux
tartare — toi qui n’est parvenu après tant de raisonemens divers, tant de
travaux, tant de poudreux volumes compilés sur cette sublime matierre —
qui n’est parvenu dis-je qu’à mettre un esclave de titus a la place d’hercule,
et qu’une femme juive a celle de minerve… tu veux approfondir, philosopher
sur les egaremens humains tu veux dogmatiser, sur le vice et sur la
vertu, tandis qu’il t’est impossible de me repondre ce que c’est que l’un,
ou que l’autre, lequel est le plus avantageux a l’homme, lequel convient
le mieux a la nature et s’il ne naitrait peut être pas de ce contraste, léquilibre
profond qui les rend tous deux necessaires. Tu veux que l’univers
entier soit vertueux, et tu ne sens pas que tout périrait a l’instant s’il n’y
avait que des vertus sur la terre… tu ne veux pas entendre que puisqu’il
faut qu’il y ait des vices, il est aussi injuste à toi de les punir, qu’il le
serait de te moquer d’un borgne… et de tes fausses combinaisons… des
digues odieuses que tu voudrais imposer a celle qui se moque de toi… quel
en est l’affreux résultat… malheureux je frémis de le dire… qu’il faut rouer
celui qui se venge de son ennemi, et combler d’honneur, celui qui assasine
ceux de son roi, qu’il faut détruire celui qui te vole un écu, et l’accabler
de récompenses, toi, qui te croit permis d’exterminer au nom de tes loix
celui qui n’a d’autre tort que d’être entraîné par celles de la nature — qui
n’a d’autre tort que d’être né, pour le maintien sacré de ses droits — eh !
laisse la tes folles subtilités,… jouis mon ami, jouis et ne juge pas… jouis
te dis-je abandonne à la nature le soin de te mouvoir a son gré, et a l’éternel
celui de te punir — si tu ne t’est trouvé qu’un infracteur ; — humble
fourmi croupée sur cette motte de terre — traine ton fêtu au magasin —
fais eclore tes œufs nourris tes petits — aime les — ne leur arrache pas
surtout le bandeau de l’erreur — les chimères reçues, (je te l’acorde) valent
mieux pour le bonheur que les tristes vérités de la philosophie ; — jouis
du flambeau de l’univers — c’est pour eclairer des plaisirs, et non par des
sophismes, que sa lumière brille a tes yeux — n’use pas la moitié de ta
vie aux moyens de rendre l’autre malheureuse, et après quelqu’années de
végétation sous cette forme assez bizarre, quoiqu’en puisse penser ton
orgueuil, endors toi, dans le sein de ta mère pour te reveiller bientôt sous
un autre conformation, et cela par de nouvelles loix que tu nentends pas
mieux que les premières. Songe en un mot que c’est pour rendre heureux
tes semblables, pour les soigner, pour les aider, pour les aimer que la
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MARQUIS DE SADE — 1782
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