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MARQUIS DE SADE — 1781
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ouvriers, qui connaît l’univers, entre autres a connu ma belle-mère, a donné un soufflet à mon mari étant petit parce qu’il la faisait enrager. C’est, je crois, l’espion de la maison……


Mademoiselle de Rousset fait savoir à l’avocat que Gothon agonisante a été transportée hors du château malgré l’intervention de son mari.

Gothon est presque à l’agonie, monsieur l’avocat. Voilà la seconde fois que je la visite dans son nouveau domicile. J’ai été réveillée ce matin à quatre heures et demie par Grégoire pour me prier de monter ; je n’ai point trouvé sa femme aussi mal comme il le croyait, mais j’ai jugé qu’il fallait se presser pour la translation. Elle s’est faite sur le midi, sans répugnance de la part de la malade ; elle est arrivée aussi contente que son état pouvait le permettre, sans fatigue ni humeur. Son état a changé deux heures après, et actuellement, huit heures du soir, on va avertir M. le prieur pour lui administrer l’extrême-onction.

J’ai loué chez Pierre Meille une chambre ; comme cette maladie est redoutée de tous, nous nous sommes crus heureux de l’obtenir à six livres par mois. Je l’ai louée en votre nom…… C’est beaucoup d’être parvenus à la faire sortir du château. Cette besogne s’est faite sans le secours de M. le curé de Saint-Véran. Tout le monde a blâmé Grégoire, tous l’ont accablé de reproches. Il me fit des excuses après le départ du garde ; il m’avait piqué vivement, je le reçus mal ; une heure après je rendis encore à sa femme les mêmes services que je lui avais rendus la veille. Grondez-moi tant que vous voudrez, ou, pour mieux faire, arrachez le triste présent que Dieu m’a fait… ce cœur qui me tyrannise. S’il fait la douceur des malheureux, il fait cruellement mon supplice…… J’attends pour cacheter ma lettre ; il me semble que d’un moment à l’autre on vient m’apprendre la mort de cette pauvre femme……

Gothon a reçu tous ses sacrements ; elle fait sous elle. Écrivez à madame de S. tout ce que vous voudrez et dites-lui qu’il faut que je l’aime beaucoup pour avoir su me vaincre sur quantité de choses. Je vous salue.

Ce vendredi 26 octobre 1781.

La marquise est affligée des façons de penser de mademoiselle de Rousset sur M. de Sade, malgré les indignes soupçons de celui-ci. (Premier novembre 1781).

……Comme j’ai la plus grande foi à ce que vous dites, mademoiselle, votre façon de penser sur M. de Sade m’afflige, car il est impossible, quelque chose qu’il fasse, que mon attachement diminue. Mais cet attachement n’empêche pas que je ne sente vivement ses procédés. Il dit à présent que je suis grosse, qu’il en est sûr.