Page:Sade, Bourdin - Correspondance inédite du marquis de Sade, 1929.djvu/237

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
MARQUIS DE SADE — 1781
173


Dites-moi, je vous prie, où il va chercher tout cela. J’ai une permission encore pour l’aller voir une fois, mais il faut que j’attende le rétablissement de ma bouche qui est malade très sérieusement, autre anicroche qui me désespère parce qu’il s’imaginera que c’est une maladie de comédie. Tout s’accorde pour me désespérer……


La dame Doyen de Baudoin écrit à M. de Sade four s’informer de son sort. (Reçue le 13 août 1781).

Monsieur,

Je suis plus que convaincue que vous êtes malheureux. Étant assurée que vous êtes trop bien né pour vous refuser de me répondre, puisque je n’ai pour but que le désir de savoir si vous êtes totalement délivré des maux dont vous étiez menacé, j’ai employé toutes les voies imaginables sans que personne puisse me dire ce que vous êtes devenu. Les uns disent que vous êtes mort ; les autres que vous êtes enfermé pour la vie. Si ce que l’on publie est vrai, je vous plains bien. Je ne peux vous en dire davantage. Si ma lettre vous parvient, faites-moi réponse en diligence. Vous adresserez ma lettre à M. Chabaneti, à la poste restante, à Montpellier. Si je ne reçois pas de vos nouvelles, je pars pour Bordeaux. Je ne peux pas vous en dire davantage jusqu’à ce que je voie l’empreinte de votre caractère. Je suis et serai toute ma vie votre sincère amie.

Doyen de Baudoin.

La marquise écrit à mademoiselle de Rousset qu’elle reçoit des lettres affreuses de son mari et l’avise de son intention d’entrer au couvent. (18 août 1781).

Vous aviez bien raison, mademoiselle ; ma visite a fait plus de mal que de bien. Ne recevant plus de nouvelle, j’ai été chez M. le N… pour en savoir la raison ; il m’a dit qu’il gardait mes lettres, parce qu’en conscience on ne pouvait me les envoyer, qu’elles étaient pleines de choses affreuses et, entre autres, que l’on ne désirait de me voir que pour m’ôter la vie, etc… Il rabache son Lefèvre, dont on m’a demandé ce que c’était. Jugez comme c’est agréable pour moi de m’entendre faire de telles questions ! J’ai répondu la vérité ; j’ai voulu dire que la détention tournait sa tête ; on m’a répliqué que, quand une tête avait à tourner, cela s’aperçoit dans les deux premières années ; que d’ailleurs le reste de ses lettres était plein d’esprit, de jugement et que c’était pure méchanceté. Jugez comme de pareilles choses avancent les affaires ! Je suis désolée, je suis au désespoir. On lui a interdit l’écriture. Je vais chercher quelque ancienne lettre dont le style soit différent et je la montrerai pour contrebalancer l’effet et tâcher d’obtenir un changement.

Je vais l’engager à ne point parler à ma mère de tout cela car, d’après ce que vous savez, tout serait perdu sans ressource……

15