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CORRESPONDANCE INÉDITE DU

J’ai ouï dire (et elle m’en fait un secret) qu’elle a fait faire une consultation à Aix signée de trois avocats, dont M. Siméon est un, à l’effet de réclamer son mari ; une réclamation aussi, signée de plus de quarante habitants de ses terres, à laquelle a signé aussi M. le curé de la Coste. Cependant, vous savez le cri universel qu’on a fait sur tout ce qui se passait, et ce par les mêmes personnes. Je ne sais si vous concevez tout cela, mais moi je ne le conçois pas. Je n’ai eu aucune réponse de M. le commandeur, ni même M. de Montreuil, à une lettre de simple politesse qu’il lui a écrite au jour de l’an et où il ne lui parlait d’aucune affaire. Ainsi il pouvait au moins se donner la peine de répondre sur le même ton. C’est une impolitesse dont il est même très choqué, et que nous ne sommes pas faits pour recevoir, de lui moins que de personne, puisque, si nous avons eu des malheurs et des chagrins, c’est son alliance seule qui nous les a procurés communs avec lui. Ce n’est pas plus sa faute que la nôtre à la vérité, mais en pareil cas on se doit des égards mutuels et de réparer autant qu’on peut en se conciliant pour faire le bien. C’eût été ma façon de penser et j’ai agi en conséquence. La sienne est différente, sans doute.

Il a reçu avec assez d’humeur et comme une persécution un de ses parents qui lui a parlé en faveur de son petit neveu. D’après cela je crois qu’il ne faut plus lui en reparler, au moins que lorsque je vous le manderai, parce qu’avant tout il faut que le complément des preuves soit fourni et passé au chapitre de la langue de France[1], de là envoyé à Malte, etc……


La marquise a obtenu le transfert de M. de Sade au fort de Montélimar. (31 mars 1781).

Ne dites mot, monsieur l’avocat, [de] mes bonnes nouvelles. Je viens d’obtenir l’ordre du roi pour que M. de Sade soit transféré au fort de Montélimar pour être plus à portée de ses affaires. Ma mère est piquée, très piquée, de ce que j’ai obtenu sans elle ; j’ai vu cela à son air et à ses paroles aussi[2].

Vous aurez permission de le voir.

L’on m’a signifié de payer frais et tout. J’ai promis sans savoir où je prendrais.

Je le verrai avant son départ deux ou trois fois, mais avec témoin……


Mademoiselle de Rousset fait savoir à l’avocat que M. de Sade sera transféré à la tour de Crest, où il aura meilleure compagnie. (14 avril 1781).

M. de S. n’est point encore parti, monsieur, et la visite que madame

  1. L’ordre de Malte était divisé en « langues » ; on en comptait trois pour la France seule : la langue de France, celle d’Auvergne et celle de Provence.
  2. « Et à ses paroles aussi » : de la main de mademoiselle de Rousset.