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CORRESPONDANCE INÉDITE DU


de disposition et de contrôle à la Coste : elle ordonne et l’avocat exécute. Le château est en mauvais état ; les vents y entrent comme chez eux et y mènent grand bruit et ruineuse besogne. Gothon est enceinte et fort changée. Son déconfort passera s’il vient d’être grosse, et la marquise ne la plaindra point d’un mal qu’elle connaît. Mais n’est-ce pas quelque chagrin, quelque retour sur le passé qui la travaille ? Rousset a des tournoiements ; ce sont des vapeurs provenant de la délicatesse de ses nerfs qui se portent parfois jusqu’au cœur et lui ôtent entièrement la vue ; mais sa poitrine va mieux en dépit de la marinière qui souffle. La chienne aussi est malade et on lui fait avaler de la poudre à tirer dans du vin. À Paris c’est le chat de la demoiselle qui a été abîmé par le valet d’écurie de M. Blondel, un brutal. M. de Sade tourmente sa femme pour qu’elle lui procure une pommade de croupion dont on lui a jadis donné la recette à la Coste.

Un derrière qui cuit ne laisse pas l’esprit en paix. Le marquis s’amuse à des jeux de captif, cruels pour autrui et pour lui-même. Il poursuit madame de Sade de sa jalousie, l’accuse de le tromper avec Lefèvre et se montre pareillement furieux de l’intimité qui s’est établie entre elle et son amie, madame de Villet. Il dit rage de celle-ci et de son mari. La marquise souffre de ces horreurs sans songer à s’en indigner et ne pense qu’à le satisfaire. Elle prend le parti de quitter son logement et presque le monde, et de se retirer au couvent. Au retour de Pont-Sainte-Maxence, où elle est allé passer quelques jours, elle s’établit chez les demoiselles de Sainte-Aure, rue Neuve-Sainte-Geneviève, où mademoiselle de Rousset a habité jadis, et qu’elle ne quittera plus. Elle prend pour prétexte de ce changement, qui déplaît à sa mère et ravit, on ne sait pourquoi, M. le Noir, qu’elle a trouvé l’étage au-dessus du sien occupé par des filles. Comme il n’est point défendu de tirer un petit profit d’un grand sacrifice, la marquise ne manque pas de faire instruire les tantes dévotes de sa retraite.

Mademoiselle de Rousset se fait prier avant de s’installer au château. M. de Sade qui a daigné montrer quelque regret de son départ le lui demande en personne. Il n’est pas séant d’en laisser la disposition à Gothon, qui est bien ridicule de vouloir que son mari fasse le monsieur !

Rousset et la marquise instruisent en secret un gros procès contre Gaufridy et Ripert qui sont accusés d’être de moitié dans l’exaction des lods. Pour Ripert la chose est possible, bien qu’il soit une bête,