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CORRESPONDANCE INÉDITE DU


Madame de Sade ne parle jamais du marquis à sa mère. (6 juillet 1780).

……Ma mère ne vous écrit plus ; j’en devine la raison : parce que vous n’avez pas donné dans son sens. Ma conduite vis-à-vis d’elle la démonte. Il y a plus d’un an que je [ne] lui ouvre la bouche de M. de Sade ; si elle veut parler des biens, je lui dis que cela ne me regarde pas, que tout aille comme cela voudra, que cela m’est égal. Elle me demande : « Avez-vous de quoi vivre ? » Je lui réponds : « Mon mari me donne ce qu’il me faut, je n’ai point à me plaindre de lui ». Cela coupe court ses idées d’administration……


Mademoiselle de Rousset fait savoir à Gaufridy que le premier ministre examine les motifs de détention. (24 juillet 1780).

……Les motifs de détention s’examinent et se jugent actuellement à Versailles. Le premier ministre a ordonné à un autre ministre, son inférieur, de lui mettre toutes les pièces sous les yeux. Il ne répondra que lorsqu’il les aura lues ; il a fait dire verbalement les choses les plus obligeantes ; il est entré dans des détails qui montrent l’intérêt. Sa réponse donnera un grand jour sur quantité de choses que nous ignorons, et nous saurons enfin décidément à quoi nous en tenir…… Madame la marquise est impatiente de me voir la plume en main, elle m’accuse intérieurement de vous en dire si long. Il est quelquefois bon d’avoir des yeux et ne pas voir et des oreilles pour ne pas entendre. Elle promène à pas de géant à mes chastes côtés pour m’obliger de finir. Tout cela ne sert qu’à prolonger son impatience et mes malices……


Mademoiselle de Rousset pense que s’il n’y avait pas de raisons pour qu’on détienne M. de Sade, il serait le premier à en créer. (7 juillet 1780).

……Cette apostille est pour vous seul. Point de réponse.

Je vous ai écrit, en même temps que madame de S., le courrier dernier. Vous devez voir, par le peu que je vous mande, que j’aurai beaucoup de choses à vous dire et beaucoup d’imprudences à vous apprendre, mais fortes, très fortes, de la part de celui que vous savez. Les longueurs sont tuantes, je le sais. Plus ennuyée dix mille fois que vous, je viens de prendre un moyen où il faut que le captif soit élargi ou que l’on donne des raisons fondées pour le détenir enfermé. Je n’examine pas s’il y en a, je ne serai fondée à le croire que lorsqu’on les aura données. Madame la présidente doit être instruite d’une partie des démarches qui se font, ou elle feint de les ignorer. Presque tous les ministres ont des placets et des lettres de recommandation ; des princesses ont recommandé l’affaire à M. de Maurepas qui examine les pièces. Nous avons prévu beaucoup de choses pour les informations ; si elles sont rigoureuses nous sommes fichus, parce qu’il se