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CORRESPONDANCE INÉDITE DU

Mademoiselle de Rousset trouve affreuse la situation de M. de Sade. Son humeur est changeante, mais ordinairement sombre. Ce sont de rares éclaircies entre de longs orages « dont la grêle crible nos cœurs ». La lutte que la demoiselle a engagée contre la présidente n’a pas tourné à son avantage. Madame de Montreuil veut, à son sens, laisser le marquis en prison et faire nommer à l’administration de ses biens. « Elle passe comme chat sur braise aux bonnes raisons », et il convient que Gaufridy prépare un mémoire pour lui montrer que, depuis l’époque de Miolans, le marquis n’est pas responsable du désordre de ses affaires. Sa détention, selon Rousset, n’est plus qu’un tripotage dont le ministre est ignorant.

Les lettres opposent ici un trait d’honnêteté de la marquise, dans l’exercice de ses droits de seigneuriage, à une désagréable affaire où la réputation de son mari se trouve une fois de plus entamée. Madame de Sade refuse d’accorder à son viguier le bureau de sel et de tabac de la Coste parce que celui qui vérifie les poids ne peut être marchand ; M. de Sade est accusé d’avoir remercié l’ancien viguier de Saumane pour nommer à sa place le sieur Pépin, personnage discrédité, moyennant un pot de vin de douze louis. Mais erreur n’est pas crime, selon la marquise. Son mari n’a agi de la sorte que pour être agréable au commandeur, qui devrait du moins lui savoir gré de s’être compromis pour lui ; loin de là, il demeure insensible aux malheurs de son neveu et pousse le ridicule jusqu’à lui reprocher de s’être évadé.

Madame de Sade demande à l’avocat de lui envoyer une copie de l’arrêt d’Aix et d’y joindre de bonnes raisons pour confondre les calomniateurs qui osent prétendre que l’interdiction de séjourner pendant trois ans à Marseille est déshonorante. Pareillement du saucisson pour elle et du vin cuit pour le maître de latin de son fils.

Le renouvellement du bail d’Arles donne lieu à de grandes difficultés en raison de la guerre qui a fait diminuer les laines de seize à vingt pour cent. Il faut faire porter au château de Saumane les papiers et les in-folio de la Vignherme et prendre soin des portraits de Laure et de Pétrarque qui s’y trouvent. La marquise, qui est présentement tout sucre et tout miel, charge Gaufridy de raccommoder, sans pour cela se fier à eux, ses subalternes qui se déchirent. L’abbé Mestre, de Saumane, qui manque de messes, demande qu’on transporte dans une des terres de la famille un service qu’elle fait faire annuellement au Thor, où elle n’a point de bien. Cet abbé est fort lié avec les tantes