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MARQUIS DE SADE — 1778
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la même façon de penser chez M. le commandeur et les tantes de Cavaillon. C’est le cas, monsieur, de faire quelques démarches. Si M. le commandeur n’en veut pas faire, chargez vous-en en son nom, ainsi que des tantes. Ces dernières pourraient écrire : « Gaufridy que j’ai vu m’a prouvé la nécessité de demander l’élargissement de mon neveu ; nos cœurs le désirent ; la conduite sage qu’il a observée dans son dernier voyage nous fait espérer des jours heureux et tranquilles, etc., etc. » Vous, monsieur l’avocat, vous écrirez que les affaires ne peuvent se débrouiller sans lui. De mon côté, je ferai agir les tantes et cousines d’Avignon et autres personnes. C’est le cas de mettre les fers au feu. J’enverrai sous peu de jours à madame la présidente une lettre que je reçus hier de M. le marquis ; elle est drôle, touchante et bien faite. Je suis sûre qu’elle ne gâtera pas la besogne ; je joindrai quelques-unes de mes réflexions ; tout cela ne ferait pas mal……

Madame de Montreuil est une femme charmante, narrant joliment, encore très fraîche, plutôt petite que grande, d’une figure agréable, le rire et le coup d’œil séduisants, de l’esprit comme un lutin, la sagesse et la candeur d’un ange, fine cependant comme un renard, mais aimable et séduisante dans son genre. Comme M. le marquis, elle a fait ma conquête. Rafollez à votre tour. Madame de Sade fut voir sa mère quelques jours après moi. Elles parlèrent bien légèrement de tout ; elle lui dit : « J’ai vu cette demoiselle, elle a de l’esprit. »

J’ai trouvé madame de Sade bien maigrie ; je la secoue un peu, il faut que je me venge des soins et des trop grandes attentions qu’elle a de moi. Je suis réellement un enfant gâté qui me laisse faire. Bientôt nous ferons élargir les portes……


Madame de Montreuil raconte, à son tour, sa première entrevue avec mademoiselle de Rousset. (8 décembre)[1].

……Je n’ai vu qu’une fois mademoiselle R… qui, comme vous le pouvez penser, a déployé toute son éloquence. Je n’ai eu qu’une réponse : « Ma fille n’a point de meilleur avocat auprès de moi que mon cœur. Les sujets de plainte particuliers ou personnels que je puis avoir de M. de S. n’entrent pour rien dans sa situation actuelle, dont je suis très fâchée, mais à laquelle je ne puis remédier quant à présent. Je n’empêche les démarches de personne. Je n’en fais pas parce que j’en connais l’inutilité aussi promptement ». Elle dit que les personnes de sa famille à qui elle en a parlé sont très fâchées de la conduite qu’on a tenue. « Moi aussi, mais ce n’est pas ma faute ». Qu’elles désirent sa liberté. « Elles sont bien les maîtresses de la demander ; je ne m’y oppose pas ; mais madame de Sade l’a demandée avec des choses bien moindres encore et qui lui ont été refusées constamment. Sur les raisons que le gouvernement a eu d’en agir ainsi, si j’en suis instruite, soit à titre

  1. J’ai dû retoucher légèrement le texte de cette lettre, où madame de Montreuil passe, sans à propos, du style direct à la relation.