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CORRESPONDANCE INÉDITE DU


famille recueille ainsi que moi, par cette intéressante démarche, tout le fruit de ce qui vient d’être fait à Aix. Mais sa politique, tout essentielle qu’elle puisse la supposer, se détruit et devient inutile par des sentiments gravés dans le fond de mon âme et auxquels elle n’a pas rendu justice. Après ce que je lui dois, après ce que je dois à des parents que mes malheurs accablaient de chagrin, après, j’ose le dire, ce que je dois (non aux bontés de mes juges, ils n’ont eu pour moi que de la rigueur, et j’en voulais), mais aux égards, aux soins, aux honnêtetés dont ils m’ont comblé, parce que dans des âmes aussi bien nées l’aménité des mœurs s’allie toujours avec la sévérité des devoirs ; après tout cela, dis-je, je n’avais besoin de chaîne que mon cœur. J’y trouve tout ce qui peut faire évanouir les craintes de cette mère respectable, tout ce qui peut ramener le calme au sein de mes parents, tout ce qui doit prouver à mes juges que j’ai toujours été plus malheureux que coupable et tout ce qui peut enfin m’annoncer à moi-même cette aurore naissante d’un beau jour si désirable après autant d’orages.

Adieu, mon cher avocat, je vous embrasse en vous priant de me venir voir le plus tôt possible. Fatigué, excédé comme je le suis, je ne sais comment j’ai pu faire pour vous écrire une si longue lettre. Vous en pardonnerez le désordre en faveur du sentiment qui la dictait et avec lequel je suis votre très humble et très obéissant serviteur.

De Sade.

Madame de Sade au marquis. « Cette lettre est pour remettre à M. le marquis de Sade, après qu’il sera en sûreté et hors des mains de l’exempt de Paris ».

Crois-tu à présent que je t’aime, mon bon petit ami que j’adore mille fois ? Aie bien soin de ta santé, ne te laisse manquer de rien ; fais-moi écrire des lettres qui ne soient pas de ton écriture et dans les entre-lignes et la feuille blanche tu m’écriras avec le secret.

Je ferai de même. Je t’irai rejoindre quand je pourrai et t’expliquer beaucoup de choses. En attendant, ne t’inquiète point. Je finis et suis sur le gril jusqu’à ce que j’aie des nouvelles. J’aimerais mieux cependant n’en point recevoir que tu risquasses. Gaufridy te donnera de l’argent ; ce que tu voudras. Conserve-toi, je t’en conjure ; aie bien soin de toi et ne te laisse manquer de rien.


Le commandeur de Sade trouve l’arrêt assez honnête. « À Saint-Cloud, ce vendredi ».

J’étais surpris, mon cher Gaufridy, de ne pas recevoir de vos nouvelles. Je vois avec plaisir, par la lettre que vous venez de m’écrire, qu’enfin tout est fini. L’arrêt me paraît assez honnête ; il n’y a que l’amende de cinquante livres qui me paraît mal sonner.