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CORRESPONDANCE INÉDITE DU


Lettre du commandeur de Sade aux magistrats. (28 juin 1778)[1].

Monsieur,

La famille a puni le libertin aussitôt qu’elle l’a pu. Il ne troublera plus la société. Le roi et le gouvernement se sont prêtés aux arrangements qu’il convenait de prendre pour conserver l’honneur d’une famille qui n’a jamais rien eu à se reprocher. J’espère que vous voudrez bien y contribuer. J’aurais été vous en prier si je n’étais incommodé, d’ailleurs que pourrais-je dire à des juges qui savent si bien allier ce qu’ils doivent à la justice et à l’honneur des familles.

Vous rendrez également service à ceux qui ont donné cet arrêt diffamant, en le cassant : nous ne l’aurions sûrement pas essuyé si vous aviez été juge de cette affaire. Je me ferai un plaisir d’aller vous remercier de vos bontés le plus tôt que je pourrai. Ma confiance, ma gratitude et mon respect sont des hommages que je vous dois, et qu’il m’est délicieux de vous rendre.

J’ai l’honneur d’être, Monsieur,

Votre très humble et très obéissant serviteur,
Le commandeur de Sade.

Dispositif de l’arrêt :

Sera admonesté derrière le bureau de mettre à l’avenir plus de décence dans sa conduite et fait défense au dit de Sade de hanter et fréquenter la ville de Marseille pendant le temps et terme de trois années sous plus grande peine ; le condamne à une aumône de cinquante livres applicable à l’œuvre des prisons et aux frais de justice, pour laquelle aumône il tiendra prison et, icelles payées, les prisons lui seront ouvertes et son écrou barré. Et, le dit de Sade mandé, la dite admonestation lui a été faite.


Madame de Montreuil n’attend pas d’être fixée sur le résultat de l’affaire pour envisager l’avenir. Par ordre du ministre, et pour éviter que madame de Sade soit mise dans un couvent, elle n’a rien dit à sa fille. (14 juillet).

Quand je vous saurai de retour à Apt, positivement et sédentaire, nous reprendrons le cours des affaires. L’administration peut-elle continuer telle qu’elle a été prévue, ou y faut-il une forme nouvelle ? Car le domicile ne change point de droit, quoique de fait il le soit, parce que, lorsqu’il n’y a point de séparation juridique, la femme ne peut en avoir un particulier.

  1. Il y a quatre exemplaires de cette lettre.