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MARQUIS DE SADE — 1776
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dance avec Florence, où il a noué des relations et peut-être laissé des collaborateurs, tels que le docteur Mesny, médecin du grand-duc. Même après son internement à Vincennes les lettres d’Italie sont les seules que le prisonnier soit autorisé à recevoir directement. M. de Sade travaille à quelque ouvrage ou nourrit le projet de le faire et la marquise, parlant de lui, écrit à Gaufridy : « Recevez en attendant mille amitiés de l’auteur ». Il prend pour secrétaire un certain Raillanne, à qui l’on donne du monsieur, ce qui suppose de l’âge et de l’orthographe. « Il faut, écrit Rainaud à cette nouvelle, que ce soit un littérateur terrible ». Hélas, oui !

Il est malaisé de savoir ce qu’a fait le marquis pendant les semaines qui ont suivi son arrivée à Grenoble. Il n’a guère marqué son passage dans cette ville qu’en y faisant des dettes, mais, dès le huit juillet, il dépêche la Jeunesse à la Coste, porteur d’un ordre de le faire prendre, le quatorze à soir, vis-à-vis le bac de Roquemaure sur le Rhône. Mais s’est-il rendu à ce rendez-vous et par quelle voie ? Les lettres, dont la plupart ne portent point de date, fournissent des raisons de douter que M. de Sade soit venu à la Coste vers le milieu de juillet et de plus fortes raisons de le croire. L’hypothèse la plus vraisemblable est que M. de Sade a passé quelques jours ou quelques semaines à la Coste, où le bruit se répand qu’il a vu le pape et qu’il est tombé dans la dévotion, qu’il est ensuite reparti pour Grenoble, s’y est séparé de Raillanne et y a retenu pour secrétaire, par l’intermédiaire d’une dame Giroud, libraire, le petit Malatié ou Lamalatié, que nous retrouverons bientôt. Madame de Sade écrit enfin le quatre novembre : « Le nouvel arrivé vous fait mille compliments ».

À ce temps Gothon est malade. Madame de Sade est toujours en démêlés avec le curé et l’évêque ; Marie, une de ses filles de service, est mourante d’une queue de rougeole et on la transporte, malgré ses pleurs, hors du château ; l’homme à qui la marquise a intenté un procès en retrait féodal se venge en lui tuant six dindes qui sont allées dans son pré.

Mais le retour du marquis a fait surgir de nouvelles menaces. L’affaire de Lyon n’est qu’assoupie et madame de Montreuil s’en inquiète encore. On apprend à la Coste que la petite fille placée chez l’abbé de Saumane, et dont il s’était débarrassé en la faisant conduire à Mazan, s’est enfuie à son tour et qu’elle a fait une déposition en règle chez le juge d’Orange avant de regagner son pays, « ce qui est encore plus dangereux ».

Il n’y a point d’argent dans la maison et une meute de créanciers