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1776


M. le curé de la Coste, qui ne prend pas ses mots d’ordre au château, interdit à la maîtresse d’école d’enseigner sans la permission de l’évêque et requiert les autorités du village de faire exécuter son décret. Madame de Sade pense qu’il méconnaît les droits du seigneur, mais elle n’en est pas sûre et sa bile rentrée l’étouffe. Nul ne sait plus au juste où commence et finit son pouvoir et les plus subtils exploitent à leur guise la règle foisonnant sur la coutume.

M. de Sade vient d’avoir à Naples une fâcheuse aventure. On l’a pris pour un sieur Teissier, caissier du grenier à sel de Lyon, qui a passé les monts avec l’argent de la gabelle. Le marquis ne peut donner à la police du roi de Naples un nom dont la réputation est venue jusqu’à elle. Il est mis en surveillance et on le suspecte d’autant plus qu’il ne s’est pas fait présenter à la cour, bien que se disant homme de qualité : M. Béranger, chargé d’affaires à Naples, ne met aucun empressement à le tirer de ce mauvais pas.

La marquise réunit avec peine douze cents francs qu’elle lui fait passer. Elle lui écrit, sous double enveloppe, à l’adresse de M. Tierce, « peintre célèbre, rue de Tolède, derrière le palais Cavalcanti, près le palais du nonce » et s’enquiert du temps et de l’argent qu’il faut pour se rendre à Naples par mer et si l’on peut embarquer des chevaux. L’affaire s’arrange enfin, grâce à de bons offices, mais non sans de grandes difficultés. Après beaucoup d’hésitations et avec beaucoup de craintes, le marquis se fait présenter à la cour. Il a vu là-bas les plus belles choses du monde et l’écrit à sa femme, qui les voit plus belles que lui-même à travers le récit qu’il en fait. Mais il faut payer cher le plaisir de recevoir ces belles épîtres : madame de Sade est à l’emprunt. Un sieur Aubert a promis de lui ouvrir sa bourse, mais il demande, pour quelques jours, la place de greffier, afin d’en imposer à des témoins