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MARQUIS DE SADE — 1775
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aviez écrit à cette mégère avec plus de force, je ne serais pas aujourd’hui si vexé ; je vous entends me dire : « Monsieur, de nouveaux torts ont prolongé vos malheurs ». Mais entendez-moi aussi répondre à cela : « Monsieur, ce sont mes malheurs, mon discrédit, ma position qui prolongent mes torts, et tant que je ne serai pas réhabilité, il ne se fouettera pas un chat dans la province sans qu’on dise : C’est le marquis de S. » Vous l’avez vu par toutes les histoires absurdes qui se firent à Apt cet hiver, oui, vous l’avez vu, vous l’avez senti… et vous êtes resté dans l’inaction… comme les autres… Adieu !… Voilà mon cœur qui s’ouvre, je ne puis plus que vous embrasser et me taire.


La marquise excuse, à son tour, M. de Sade. (Sans date).

……À l’égard des lettres de M. de S. il ne faut faire aucune attention à ce qu’il peut y avoir de désagréable. Les choses injustes ne portent pas coup et tombent d’elles-mêmes. D’ailleurs on doit pardonner quelque chose à la position malheureuse où il se trouve. Vous me répondrez peut-être à cela que cela ne doit point l’engager à être injuste à votre égard, mais vous avez trop d’esprit pour croire que ce que dictent des moments de vivacité parte du fond du cœur et je puis vous certifier, moi, avec connaissance de cause qu’il vous est très attaché……


Lions instruit madame de Sade d’une enquête que l’intendant de Provence a fait faire à la prison d’Arles. « Ce 1er  novembre 1775 ».

……La créature qui est sous les ordres du roi nous donne quelquefois des alertes et se met dans un état violent. J’en ai avisé madame votre mère et le sieur Gaufridy qui n’aura pas manqué de vous en informer, et notamment madame votre mère sur la demande que M. Laville, subdélégué de l’intendant, fit, par ordre de M. de la Tour[1], à madame la supérieure du refuge, pour s’informer des personnes qu’elle avait dans sa maison, pour en savoir le nom, surnom de chacune, leur demeure avant leur détention, par quelle raison et par quel ordre elles y étaient. Tout de suite je fus appelé et nous consultâmes avec la supérieure ce qu’il fallait y répondre. J’envoyai copie des lettres et réponses relatives à qui de droit et j’en eus réponse par le courrier d’hier. Madame votre mère m’écrit en date du vingt-trois du courant approuvant notre réponse normande ; elle me dit qu’elle

  1. Gallois de la Tour, intendant de Provence et premier président du Parlement d’Aix. Ce cumul, sans être tout à fait exceptionnel, ainsi que le prouvent les exemples de Bertier de Sauvigny, premier président et intendant de la généralité de Paris, de Le Bret à Aix, de Bourgeois de Boynes à Besançon, était cependant contraire à la coutume qui voulait que les intendants ne fissent partie de la judicature parlementaire qu’à titre de maîtres des requêtes, parmi lesquels ils étaient ordinairement choisis.
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