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SASCHA ET SASCHKA.

démon. Elle s’arrêta enfin près de la porte du balcon. Saschka s’en approcha.

« Vous êtes encore là ? demanda-t-elle sans se retourner.

— Que voulez-vous encore de moi ?

— Allez, sortez, vous dis-je. Sortez donc ! »

Saschka s’éloigna. Quand la portière fit entendre un frôlement à son passage, Kasimira se retourna vivement ; elle allait le rappeler, mais ce fut sa fierté qui l’emporta. Elle demeura immobile à la porte du balcon jusqu’à ce qu’elle entendit le piaffement du cheval. Elle se jeta alors sur l’ottomane et cacha dans les coussins de soie son visage brûlant ainsi que ses larmes.

Pour la première fois, un homme lui imposait, et cet homme, que peut-être elle aurait pu aimer, il appartenait à une autre.

La comtesse resta levée jusqu’au retour de son frère ; elle eut alors avec lui un long entretien, et le jour commençait à poindre quand ils allèrent prendre du repos.

Dans l’après-midi du lendemain, Saschka les rencontra tous deux chez Zagoinski. Le baron fut aimable et mielleux comme à l’ordinaire, et Kasimira se montra gaie presque jusqu’à l’excès. Elle portait une robe de soie jaune pâle et une parure d’ambre de même couleur ; son teint d’albâtre, ses cheveux d’ébène et ses yeux noirs produisaient avec cette toilette un effet vraiment éblouissant. Elle voulait assurément être belle, et elle l’était plus que jamais.

On prit le café, on mangea des fruits, on joua au volant et au cerceau.