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SASCHA ET SASCHKA.

paysans et que ce sont des paysans qui le chantent !

— Pardonnez-moi, vous êtes dans l’erreur ; quand on se trouve près de la nature, la poésie n’est pas loin.

— Et à qui avez-vous pensé en chantant cela ? » demanda Kasimira ; et, se penchant vers Saschka par-dessus le piano, elle lui mit en plein la réponse sur les lèvres par son regard langoureux et son gracieux sourire.

Pourtant le jeune homme resta muet et se borna à hausser les épaules.

« Si vous aviez été galant, vous auriez répondu que vous pensiez à moi.

— Mais je ne suis point galant, repartit tranquillement Saschka, et dans ce cas c’eût été une galanterie offensante.

— Vous êtes drôle ! s’écria Kasimira. Êtes-vous donc un sot ou un homme sans honneur, pour qu’une femme puisse se trouver offensée de votre amour ? Donnez-moi le bras, je veux regarder l’orage du haut du balcon.

— Vous vous refroidirez, comtesse.

— Plutôt près de vous que dehors, répondit-elle en riant, car vous ne valez pas mieux que le convive de pierre de Don Juan. Mais donnez-moi, je vous prie, mon manteau de fourrure. »

Saschka le présenta à la comtesse, qui se revêtit avec grâce de la précieuse fourrure doublée d’une étoffe moelleuse ; puis, prenant le bras du jeune homme, tous deux se rendirent sur le balcon.

L’obscurité la plus complète régnait au dehors, un vaste rideau noir semblait être suspendu du ciel à la