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SASCHA ET SASCHKA.

— Il faut aller la voir, ne serait-ce que pour me faire plaisir, dit Marga, d’un ton rassuré : je le lui ai promis ; d’ailleurs, si vous n’y allez pas, vous me feriez supposer que vous craignez la vue de Kasimira, qu’elle pourrait devenir dangereuse.

— Si vous me l’ordonnez, Marga…

— Oui, je vous l’ordonne, s’écria la jeune fille en redressant fièrement la tête, tandis qu’un sourire provocateur se jouait sur ses lèvres, je veux que vous y alliez, et dès demain : elle vous attend demain soir. »

Saschka s’inclina sans répondre.

Dans l’après-midi du lendemain éclata un affreux orage qui s’étendit sur tout le pays ; il arrivait fort à souhait pour servir les projets de Kasimira ; lorsque Saschka se présenta à cheval devant le petit château qu’elle habitait avec son frère, la comtesse, pour se garantir de la tourmente, se tenait sur la terrasse, enveloppée d’un long vêtement de fourrure noire, et, les bras appuyés sur la balustrade, elle soutenait de ses mains blanches sa tête inclinée. Les molles et brillantes ondulations du velours, à côté de la sombre fourrure de zibeline, produisaient de merveilleuses irisations qui faisaient ressortir la beauté de sa taille et de son visage de marbre, légèrement coloré, d’une coupe classique, autour duquel se jouait sa chevelure d’ébène, tandis que les éclairs l’environnaient de temps à autre d’une sorte d’auréole démoniaque.

Pour la première fois, Saschka crut vraiment n’avoir jamais vu une femme d’une aussi séduisante beauté.