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SASCHA ET SASCHKA.

« Tout ce monde est donc aveugle ? pensait la comtesse, car ce jeune homme doit être le seul obstacle à l’alliance de Marga et de mon frère. »

De retour au logis, Kasimira passa rapidement une vieille robe de chambre, se jeta sur l’ottomane, et fit prier son frère de se rendre près d’elle.

« Eh bien, que dis-tu de cet étudiant ? lui demanda-t-elle, en jouant avec la rose qu’elle avait retirée de ses cheveux.

— Je n’en dis rien, repartit le baron, je le battrai bientôt d’importance.

— Sot que tu es, ne vois-tu donc pas que Marga lui donne la préférence sur toi ?

— C’est justement à cause de cela. »

La comtesse se mit à rire.

« Abandonne-le-moi, mon très cher, dit-elle, tandis que de ses doigts blancs elle effeuillait sans pitié la rose ; ce ne sera pas un grand tour d’adresse de le détourner de Marga ; tu verras ensuite comment je le traiterai. »

Puis elle rejeta la rose effeuillée.

« J’attendrai donc.

— Tu auras toujours le temps de te battre en duel avec lui, reprit vivement Kasimira ; mais je sais que je lui tournerai l’esprit dès que je le voudrai. »

Le jour où Saschka retourna chez Zagoinski, la comtesse l’accapara tout à fait. Elle était persuadée que le jeune homme se trouvait fort heureux de ce que son bras reposât presque continuellement sur le sien et de ce qu’elle réclamât de lui mille petits services tandis qu’ils prenaient le café ; et pendant la